L'ONU a autorisé jeudi le déploiement de 12 000 Casques bleus en République centrafricaine (RCA), pour tenter de sécuriser un pays livré à l'anarchie et aux violences entre chrétiens et musulmans et dont la population doute de la capacité de cette nouvelle force à ramener la paix.

Aux termes d'une résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité, sur proposition française, ces 10 000 soldats et 1800 policiers formeront la Minusca (Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en RCA).

Ils prendront au 15 septembre la relève de 6000 soldats de la force africaine Misca, sur place aux côtés de 2000 militaires français de l'opération Sangaris, dans cette ancienne colonie française.

D'ici là, les Européens ont promis 800 hommes, dont les premiers éléments --des gendarmes mobiles français-- ont commencé mercredi à patrouiller dans Bangui, encadrés par les soldats de Sangaris.

La résolution autorise l'armée française à prêter main-forte à la Minusca en employant «tous les moyens nécessaires». Deux soldats français ont été légèrement blessés mercredi à Bangui par une grenade lancée par un homme qu'ils contrôlaient.

Même si les tueries à grande échelle ont cessé depuis l'engagement des Français début décembre, les violences intercommunautaires et interreligieuses restent le lot quotidien du pays.

En visite samedi à Bangui, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, avait dénoncé une «épuration ethnico-religieuse» et appelé la communauté internationale à intervenir pour éviter un nouveau génocide en Afrique, 20 ans après le Rwanda. Les États-Unis ont annoncé mercredi une aide humanitaire supplémentaire de 22 millions de dollars pour la Centrafrique.

«Esprit partisan» 

Depuis samedi, au moins cinq personnes (trois musulmans et deux chrétiens) ont été tuées à Bangui dans les environs du quartier du PK-5, au centre-ville, selon des habitants. En province, où il n'y a plus d'État depuis longtemps, la situation est encore pire. Mardi, au moins 30 personnes, en grande partie des civils, ont été tuées dans des affrontements entre miliciens majoritairement chrétiens anti-balaka et ex-rebelles à dominante musulmane Séléka, aux environs de Dékoa (300 km au nord de Bangui).

Face à ce chaos sanglant, les Centrafricains espèrent en l'ONU, mais les échecs passés de précédentes opérations internationales douchent les enthousiasmes. «Il faudra une force neutre pour pouvoir aider les Centrafricains à faire la paix, à se réconcilier et à favoriser le travail des humanitaires», estime Hilaire Gbango, cadre dans une banque.

Pour un commerçant, Brice Ngonda, les forces actuellement présentes ont «un esprit partisan». Il y a «une sorte de rapprochement entre Français et chrétiens par exemple, ou entre Tchadiens et musulmans, et cela comporte de gros risques», juge-t-il.

La Minusca --qui comptera aussi des civils (administrateurs, ingénieurs, juristes) pour remettre sur pied l'administration locale-- aura pour objectifs la protection des civils et des convois humanitaires, le maintien de l'ordre, le soutien à la transition politique et le respect des droits de l'homme.

Elle deviendra la troisième opération de maintien de la paix de l'ONU, derrière la RDCongo (25 700) et le Darfour (23 700), avec un budget évalué entre 500 et 800 millions de dollars.

La résolution appelle les autorités de transition à Bangui à «tenir des élections présidentielles et législatives libres et équitables au plus tard en février 2015».

«On aura tout essayé dans ce pays: opération Barracuda (1979), Mission des Nations unies en République centrafricaine (Minurca, 1998-2000), Force multinationale de l'Afrique centrale (Fomac, 2010), Misca, Sangaris, et bientôt Misnusca!», ironise un juriste, Eusèbe Mamougbassio, énumérant les missions internationales qui n'ont pas réussi à rétablir l'ordre en Centrafrique depuis 30 ans.

Pour Martin Zoundagah, enseignant, «les Casques bleus n'y pourront rien tant que la tendance restera à l'esprit de vengeance».