Le gouvernement tchadien a annoncé jeudi le retrait de son contingent de la force de l'Union africaine en Centrafrique (MISCA), en dénonçant «une campagne gratuite et malveillante» contre ses troupes, dans un communiqué publié à N'Djamena.

Face à des «accusations répétées» contre le comportement des soldats tchadiens de la MISCA, dont ils constituent une des principales composantes, «le Tchad, après avoir informé la présidente de la transition centrafricaine, la présidente de la Commission de l'Union africaine et le secrétaire général des Nations unies, décide» de se retirer de la force africaine, ajoute le communiqué.

«Malgré les efforts consentis, le Tchad et les Tchadiens font l'objet d'une campagne gratuite et malveillante, tendant à leur faire porter la responsabilité de tous les maux dont souffre la RCA» (République centrafricaine), accuse le texte.

«Face à ces accusations répétées, le Tchad (...) décide du retrait du contingent tchadien de la MISCA», ajoute le communiqué, précisant: «les modalités pratiques de ce retrait seront arrêtées de commun accord entre le Tchad et l'Union africaine».

«En attendant, le Tchad assumera, sans failles, sa mission de paix dans les zones relevant de sa responsabilité en RCA», selon le texte qui ne fournit pas de détails sur ces zones.

«Le Tchad réitère sa solidarité à la RCA et continuera de la soutenir sous d'autres formes, afin qu'elle retrouve la paix et la sécurité, l'unité et réalise la réconciliation de ses fils et filles, divisés par un conflit dont la gravité et les conséquences humanitaires et sécuritaires sont sans précédent par leurs caractères dramatiques et confessionnels», conclut le communiqué.

Avec environ 800 hommes aguerris, le Tchad fournit l'un des plus importants contingents de la MISCA, forte de 6000 militaires et déployée aux côtés de la force française Sangaris (2000 soldats) pour tenter de rétablir la sécurité en Centrafrique.

Les soldats tchadiens ont été régulièrement accusés depuis la prise du pouvoir à Bangui en mars 2013 de la coalition rebelle à dominante musulmane Séléka de connivence avec ces combattants - dont certains étaient Tchadiens -, voire de passivité face à leurs exactions. N'Djamena a toujours démenti.

Cela leur a valu l'hostilité d'une partie de la population centrafricaine. Le week-end dernier, des soldats tchadiens ont tué au moins 24 personnes à l'entrée de Bangui après avoir été la cible d'une attaque à la grenade, selon la MISCA et le gouvernement centrafricain.

La présidente centrafricaine de transition, Catherine Samba Panza, de passage à Paris avant le sommet de Bruxelles, a annoncé mardi l'ouverture d'enquêtes sur cette affaire.

Cet incident est le plus grave impliquant des troupes étrangères en Centrafrique depuis la chute du président François Bozizé.

Cette version a été démentie par des représentants des milices majoritairement chrétiennes anti-balaka.

La polémique a rebondi au niveau international avec de nouvelles déclarations mardi du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme et de la diplomatie française. «Il semble que les soldats tchadiens aient tiré sans discrimination dans la foule», a accusé à Genève une porte-parole du Haut-Commissariat, Cécile Pouilly.

Pour Paris au contraire, la responsabilité incombe «pour une large part aux anti-balaka», selon le porte-parole du Quai d'Orsay, Romain Nadal, qui a demandé «que toute la lumière soit faite sur ces violences».

Depuis un an, l'ancienne colonie française, pays parmi les plus pauvres de la planète, habitué aux coups d'État à répétition et aux rébellions, traverse une crise sans précédent qui a fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.

L'armée française passe à l'est

L'armée française a commencé cette semaine à se déployer dans l'est de la Centrafrique, a indiqué jeudi le général dirigeant l'opération, au moment où le Tchad annonçait le retrait de son contingent de la force de l'Union africaine.

«La troisième phase a débuté cette semaine, nous avons commencé à nous déployer dans l'est», a déclaré à la presse en visioconférence le général Francisco Soriano, qui commande l'opération française «Sangaris». «L'objectif est de restaurer l'autorité de l'État, de mettre fin aux agissements des bandes armées et de les désarmer», a-t-il ajouté.

«Cette troisième phase est rendue réalisable grâce (...) aux renforcements accordés par le président» François Hollande, qui a décidé à la mi-février l'envoi de 400 militaires supplémentaires, portant ainsi les effectifs du contingent français à 2000 hommes, a précisé le général.

Les soldats français et la MISCA vont obtenir le renfort de 800 soldats de la mission militaire européenne EUFOR-RCA, opérationnelle à la fin mai.

«L'arrivée de l'EUFOR nous permettra d'augmenter notre déploiement dans l'est et le nord du pays», a affirmé le général Soriano.

Il s'est par ailleurs opposé à ce que la France réalise l'opération d'évacuation de quelque 19 000 musulmans traqués par les milices chrétiennes anti-balaka, souhaitée par le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

«Ma réponse est claire : je m'y refuse. Notre rôle est de protéger les populations et de tout faire pour qu'elles puissent vivre là où elles ont toujours vécu», a-t-il assuré.

Le président Hollande a jugé mardi que la situation sécuritaire en Centrafrique s'était «dégradée» et que les musulmans y étaient «directement visés».