Une nouvelle flambée de violences ayant provoqué des ripostes des forces internationales a fait une vingtaine de tués ces derniers jours à Bangui, témoignant de l'instabilité chronique de la Centrafrique après un an de chaos.

«Au moins une quinzaine de corps a été enlevée par les volontaires de la Croix-Rouge centrafricaine» depuis samedi aux abords du quartier commerçant du PK-5, a déclaré sous couvert d'anonymat un responsable de la Croix-Rouge centrafricaine.

Dénonçant un nouveau «pic de violence», l'organisation Médecins sans frontières (MSF) a ensuite annoncé avoir pris en charge 38 blessés, dont trois sont décédés, après des affrontements entre bandes armées.

Ces affrontements entre groupes armés ont éclaté ce week-end dans les quartiers de la capitale où subsistent des musulmans, assiégés depuis des semaines par des miliciens majoritairement chrétiens anti-balaka et des pillards.

Des échanges de tirs ont de nouveau eu lieu mardi entre anti-balaka et soldats de la force africaine, a constaté un correspondant de l'AFP. Les jours précédents les forces africaine MISCA et française Sangaris avaient déjà riposté à des tirs.

Selon des habitants joints par l'AFP, ces ripostes ont fait huit tués parmi les anti-balaka, dont un de leurs chefs.

Pour Hakim Chkam, chef de mission MSF en RCA, «ces nouveaux affrontements sont la preuve que nous ne sommes toujours pas revenus à une situation normale et que, malgré la présence des troupes armées internationales, les violences continuent».

Lundi a marqué le premier anniversaire du renversement du régime de François Bozizé par la coalition rebelle Séléka dirigée par Michel Djotodia, le 24 mars 2013.

L'ancienne colonie française est livrée au chaos depuis un an et traverse une crise humanitaire sans précédent avec des centaines de milliers de déplacés fuyant les violences.

«Descente aux enfers»

Ces violences ont provoqué un exode des musulmans de régions entières du pays. Pour ceux qui restent, la situation est «insupportable», a dénoncé vendredi Peter Bouckaert, directeur Urgences de l'ONG Human Rights Watch.

«La situation humanitaire et sécuritaire est très grave, insupportable pour les musulmans qui restent dans le sud-ouest (de la Centrafrique) et à Bangui. Il y a une vingtaine de poches dans le pays avec 15 000 personnes en danger. On doit réfléchir à les évacuer», a-t-il déclaré.

Près de 2000 soldats français sont déployés au sein de la force Sangaris en Centrafrique, où ils agissent officiellement «en soutien» des 6000 hommes de la MISCA, pour rétablir un minimum de stabilité dans le pays.

Une force européenne (EUFOR) devait se déployer la semaine dernière en appui aux forces française et africaine sur place, en attendant une prise de relais par une force de l'ONU, toujours hypothétique.

Mais une centaine de soldats européens manquent toujours à l'appel pour lancer l'opération, les pays européens ayant surtout les yeux rivés sur la crise ukrainienne.

L'archevêque, l'imam et le chef de la communauté protestante de Centrafrique, qui tentent d'apaiser les tensions, ont plaidé ensemble une nouvelle fois auprès des États-Unis et du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon pour le déploiement rapide d'une force de l'ONU, forte de 15 000 à 18 000 hommes.

«Il faut qu'une opération se réalise dans les meilleurs délais, nous voulons arrêter cette descente aux enfers», a déclaré lundi l'archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, après une mission conjointe du 12 au 22 mars à New York et Washington.

«Sangaris et MISCA sont confrontées à des problèmes de logistique énorme. Elles ont montré leurs limites et il est temps de leur venir en aide», a ajouté l'archevêque.

Il y a urgence, d'après l'imam Oumar Kobine Layama : «cela fait presque un an que les campagnes agricoles n'ont pas été effectuées. Les semences ont disparu dans les villages brûlés, alors que la saison des pluies approche».

Dans ce pays très pauvre et enclavé, les violences ont fait près d'un million de déplacés et réfugiés, sur une population totale de 4,6 millions d'habitants.