Teodorin Obiang, fils du président de Guinée équatoriale, a été inculpé (mis en examen) pour blanchiment dans l'affaire dite des «biens mal acquis» en France, une première dans ce dossier qui concerne trois chefs d'État africains.

Cette mise en examen a été notifiée mardi lors d'une audition organisée par visio-conférence, a précisé mercredi Me Emmanuel Marsigny, l'avocat de Teodorin Obiang, par ailleurs vice-président de son pays.

Des magistrats financiers français enquêtent depuis décembre 2010 sur les conditions dans lesquelles trois chefs d'État africains - Denis Sassou Nguesso du Congo, Teodoro Obiang de Guinée équatoriale et le défunt président gabonais Omar Bongo - ont acquis un important patrimoine immobilier et mobilier en France.

Lors de leur enquête visant la fortune Obiang, les juges avaient saisi en juillet 2012 un hôtel particulier de six étages, situé avenue Foch, dans le XVIe arrondissement de Paris, d'une valeur de 100 à 150 millions d'euros.

Dans ce somptueux bâtiment de plusieurs milliers de mètres carrés accueillant notamment une boîte de nuit et un salon de coiffure, les juges avaient déjà saisi en février 2012 200 m3 de biens de très grande valeur, lors d'une perquisition hors normes qui avait duré dix jours et nécessité plusieurs camions.

Des perquisitions aux domiciles du clan Bongo à Paris et dans le sud de la France avaient également été menées en février 2013. Selon un document publié en 2009 par Transparency International France, la famille Bongo et ses proches possédaient en France «33 propriétés, la plupart dans les quartiers les plus chics de Paris, les autres sur la Côte d'Azur».

Selon une source proche du dossier, les magistrats se concentrent désormais sur le volet visant la famille du président congolais Denis Sassou-Nguesso.

Cette enquête sur les biens mal acquis est consécutive à des plaintes de l'ONG Sherpa, qui a déposé à l'automne 2013 une plainte similaire visant un oncle de Bachar al-Assad, Rifaat al-Assad.

«Immunité totale» 

«Nous avons toujours dit» que Teodorin Obiang «ne cherchait pas à se soustraire à la justice. Il fallait que cet interrogatoire de première comparution se déroule dans des conditions compatibles avec les fonctions qu'il exerce et avec l'immunité qui s'y attache»,  a affirmé son défenseur, Me Marsigny.

Les magistrats avaient lancé à l'été 2012 un mandat d'arrêt international contre Teodorin Obiang après son refus de répondre à une convocation des juges. Il avait invoqué son statut de vice-président de son pays, qui octroie à ses yeux une immunité de juridiction.

Interrogée sur une levée du mandat d'arrêt après la mise en examen, la source judiciaire a répondu que cette question, du ressort des magistrats instructeurs, n'avait pas été tranchée.

Selon Me Marsigny, lors de l'audition, Teodorin Obiang a refusé de répondre aux questions sur le fond, toujours au nom de son «immunité de juridiction totale à l'étranger», qui n'a pas été levée par les autorités de son pays.

Eu égard à cette immunité, Teodorin Obiang entend désormais saisir la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris d'une «requête sur la légalité de cette mise en examen».

Mercredi, l'hebdomadaire français Paris Match a été condamné pour avoir diffamé Teodorin Obiang dans un article qui l'impliquait dans une vieille affaire de drogue aux États-Unis.

Dans cet article intitulé «A fond les caisses», paru début avril 2012, Paris Match affirmait notamment qu'après son installation à Los Angeles en 2001, le fils du président avait été «mis en cause pour introduction illégale de drogue aux États-Unis». Une affirmation basée sur une «rumeur», avait plaidé Me Marsigny.

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné le directeur de la publication de Paris Match à une amende de 1500 euros et les deux journalistes, auteurs de l'article incriminé, à une amende de 1000 euros chacun. Ils devront verser solidairement un euro de dommages et intérêts à M. Obiang.

Ce dernier a en revanche été condamné pour procédure abusive contre l'avocat et président de l'ONG Sherpa, Me William Bourdon, qui affirmait dans Paris Match qu'«avec l'appui du pouvoir politique français, les dirigeants de la Guinée équatoriale ont toujours cherché à échapper aux poursuites». Le tribunal a non seulement relaxé l'avocat pour ces propos, mais aussi condamné M. Obiang à lui verser 2000 euros de dommages et intérêts.