À 45 jours de la présidentielle en Algérie Abdelaziz Bouteflika s'est déplacé en personne lundi au Conseil constitutionnel, et a annoncé à la télévision le dépôt de sa candidature à un 4e mandat, alors que des critiques fusent sur sa capacité à gouverner.

«Je suis venu déposer officiellement ma candidature conformément à l'article 74 de la Constitution et à la loi électorale», a déclaré M. Bouteflika, 77 ans, assis dans un fauteuil face au président du Conseil constitutionnel Mourad Medelci, devant les caméras de la télévision publique.

Sa référence à l'article 74 porte sur son droit à la réélection.

Il s'agit de ses premiers propos publics après son AVC du 27 avril 2013 qui l'a maintenu hospitalisé à Paris durant 80 jours, ce qui a suscité des interrogations sur sa capacité à continuer à diriger le pays.

Sa voix était à peine audible, mais il a croisé les doigts de ses deux mains, montrant une amélioration de ses mouvements par rapport à de précédentes images où un bras paraissait figé.

Depuis son retour de Paris le 16 juillet, il a entamé une longue rééducation, et a reçu des hôtes étrangers et tenu deux Conseils des ministres, en septembre et décembre.

Le dernier discours du président date de mai 2012 à Sétif, ville de l'Ouest algérien où il avait laissé entendre qu'il fallait laisser la place aux jeunes.

C'est son premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui avait officiellement annoncé sa candidature, le 22 février.

Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des Travailleurs, elle-même candidate, a reproché à M. Sellal d'avoir annoncé la candidature du président, dénonçant «une déviation» et rappelant que M. Sellal est président de la commission de préparation de l'élection.

La perspective d'un 4e mandat a généré des manifestations à travers le pays, dont une réprimée violemment samedi à Alger, et donné naissance à un mouvement, baptisé «Barakat» (ça suffit), uniquement dédié à lutter contre cette candidature.

Parmi les classes politique et militaire, les critiques se font également de plus en plus audibles.

L'ancien général à la retraite Hocine Benhadid déclarait récemment au quotidien El-Watan qu'un nouveau mandat lui paraissait «impossible» puisque «Bouteflika ne peut ni parler ni se mettre debout».

Le militant des droits de l'homme, Ali Yahia Abdenour, a demandé un certificat médical de M. Bouteflika au Conseil constitutionnel pour attester «que son état physique lui permet d'assurer sa fonction».

Les candidats ont jusqu'au 4 mars à minuit pour déposer leur candidature, puis le Conseil Constitutionnel aura dix jours pour annoncer les candidats retenus et la campagne officielle s'ouvrira le 23 mars.

L'ancien chef du gouvernement Ali Benflis, considéré comme le principal challenger de Bouteflika, doit déposer mardi matin sa candidature.

Un autre ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, a appelé à faire tomber le régime de Bouteflika «dans le calme», avec l'aide de l'armée, estimant, lui aussi, qu'il n'était plus en mesure de diriger le pays.

Opposant et ancien secrétaire général du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, centre-gauche) Said Sadi, a affirmé ironiquement que cette candidature ne le gênait pas «puisqu'on a levé la limitation des mandats», rappelant l'amendement à la Constitution voté en 2008 pour permettre à Bouteflika de passer outre la limitation à deux mandats et se faire réélire en 2009.

Le RCD et les deux formations islamistes Mouvement pour la société et la paix (MSP)et Ennahda, ont appelé les candidats déclarés à «se retirer de cette tromperie électorale».

Deux candidats d'entre eux, l'ancien premier ministre Ahmed Benbitour et le général à la retraite Mohand Tahar Yala ont annoncé lundi leur «retrait», parlant d'une élection aux résultats «truqués».

Dans le camp présidentiel, l'atmosphère est pourtant à l'assurance, M. Sellal et d'autres proches répétant à l'envi que M. Bouteflika «va bien».

Le premier ministre l'a répété lundi, rappelant que la campagne «débutera dans les délais fixés par la loi» avec «des surprises», cité par l'agence APS.

Dimanche, le dernier message aux Algériens du président a de nouveau été lu par quelqu'un d'autre, cette fois-ci par son ministre de la Justice, Tayeb Louh. M. Bouteflika y pressait «tous les citoyens à participer massivement» à la présidentielle.

Car la grande question soulevée par les observateurs en Algérie ne porte pas tant sur la victoire de M. Bouteflika, que sur le taux de participation à ce scrutin le 17 avril.