Les rebelles sud-soudanais ont lancé mardi une vaste offensive pour reprendre la ville stratégique de Malakal aux forces gouvernementales, dans ce qui semble être la plus grave violation du cessez-le-feu signé fin janvier.

Cette offensive, que dès lundi l'armée sud-soudanaise disait craindre, a débuté tôt mardi.

«Les combats sont très intenses. Il y a des combats en périphérie de la ville. C'est une très grande attaque, coordonnée», a indiqué un témoin.

«Les rebelles ont attaqué Malakal, et les combats sont en cours», a ensuite confirmé Michael Makuei, le chef de la délégation gouvernementale engagée dans des pourparlers de paix avec les rebelles à Addis Abeba.

«Il est très clair maintenant que ces gens ne respectent pas le cessez-le-feu, qu'ils ne sont pas prêts à s'y plier, qu'ils ne sont pas prêts à écouter le langage de la paix et qu'ils pensent que tout doit se résoudre par la force», a-t-il dénoncé depuis la capitale éthiopienne.

Le Soudan du Sud est le théâtre de combats entre l'armée loyale au président Salva Kiir et une rébellion regroupée derrière son ex-vice-président Riek Machar depuis le 15 décembre.

Les combats, qui ont déjà fait des milliers de morts et quelque 900 000 déplacés, avaient commencé dans la capitale Juba avant de s'étendre au reste du pays, en particulier aux États du Haut-Nil, dont Malakal est la capitale, du Jonglei (est) et d'Unité (nord).

Lutte de pouvoir

Le 23 janvier, après des mois de négociations laborieuses à Addis Abeba, les deux camps avaient finalement accepté de signer un cessez-le-feu.

Mais les problèmes de fond qui les opposent doivent encore être résolus - d'autres pourparlers sont dans cet objectif toujours en cours à Addis Abeba. Et chaque camp accuse régulièrement l'autre de violer la trêve.

«Depuis le premier jour, nous voyons le gouvernement violer le cessez-le-feu», a encore dénoncé mardi le porte-parole de la délégation rebelle à Addis, Hussein Mar Nyout.

Il a cependant nié que les forces rebelles aient elles-mêmes gagné du terrain depuis la signature de la trêve. «Tout au plus, se défendent-elles», a-t-il affirmé.

Depuis mi-décembre, le conflit sud-soudanais s'articule autour d'une lutte de pouvoir entre le président Kiir et l'ex-vice-président Machar, limogé en juillet.

Le premier accuse le second d'avoir tenté un coup d'État.

Riek Machar dément, et reproche en retour à Salva Kiir de ne chercher qu'à écarter toute compétition au sein du parti au pouvoir, le SPLM, issu de l'ex-rébellion sudiste qui a affronté Khartoum lors de la longue guerre civile (1983-2005) pré-indépendance, à l'approche d'échéances électorales en 2015.

La rivalité politique a cependant très vite pris une dangereuse tournure ethnique : plusieurs massacres à caractère communautaire opposant les deux principales tribus du pays, les Dinka de Salva Kiir et les Nuer de Riek Machar, ont été dénoncés.

Pendant que les deux parties tentent laborieusement de faire progresser les pourparlers de paix à Addis Abeba, la situation humanitaire reste, elle, dramatique sur le terrain.

Des dizaines de milliers de déplacés restent notamment entassés dans des camps de l'ONU, craignant trop les représailles ethniques pour rentrer chez eux.

Dans ces bases surpeuplées, le manque d'équipements sanitaires, d'abris, de nourriture favorise la propagation de maladies et les enfants dépérissent.

«Nous voyons des enfants mourir ici à l'hôpital parce qu'ils sont très très faibles», déplorait ces derniers jours Anna Cilliers, infirmière pour Médecins sans frontières (MSF), dans l'une des bases onusiennes de Juba.

Car malgré l'apparente accalmie des combats sur le terrain ces dernières semaines, l'ONG doit encore ici traiter les cas de malnutrition infantile par dizaine. Et la situation risque encore d'empirer à l'approche de la saison des pluies.