Les rebelles chiites du nord du Yémen ont progressé dimanche face aux tribus à la faveur de violents affrontements dans le nord du Yémen, s'emparant de territoires avant la délimitation des provinces qui formeront le nouvel État fédéral.

Des centaines de combattants d'Ansarullah, nom de ces rebelles zaïdites - une branche du chiisme -, ont pris le contrôle de la localité de Houth, à 180 km au nord de Sanaa, et du fief de la puissante tribu des Hached, Al-Khamri, ont indiqué des témoins et des sources tribales.

«Nous avons pris le contrôle de Houth et Al-Khamri, et les membres des Hached appuyés par des extrémistes takfiris (extrémistes sunnites) ont pris la fuite», a déclaré à l'AFP le porte-parole des rebelles, Mohamed Abdessalam.

Il a affirmé que les combats avaient fait «des morts et des blessés» dans les rangs des rebelles, sans autres précisions. Aucun bilan global n'a pu être obtenu.

Les affrontements entre les deux parties ont éclaté le 5 janvier dans cette région et gagné en intensité ces derniers jours. Au moins 60 personnes ont été tuées vendredi.

Les rebelles zaïdites, une branche du chiisme, fortement implantés dans le nord du pays où ils contrôlent notamment la province de Saada, tentent de gagner du terrain avant la délimitation des provinces qui formeront le nouvel État fédéral yéménite.

Le dialogue national, qui vient de s'achever, entre les forces politiques, dont Ansarullah, a permis de tracer les grandes lignes de ce futur État.

Mais le plus dur, notamment le découpage des provinces, reste à faire, selon des analystes qui craignent qu'une escalade de la violence fasse dérailler le processus de transition dans ce seul pays du Printemps arabe où un soulèvement populaire a abouti à une solution négociée.

Prise de contrôle symbolique

La prise de la demeure familiale des Al-Ahmar, chefs traditionnels des Hached, la plus puissante confédération tribale du Yémen, revêt une importance symbolique. Le chef tribal Hussein Al-Ahmar qui s'y trouvait avec ses partisans a évacué la demeure et donné l'ordre d'y mettre le feu, selon des témoins.

Mais le porte-parole des rebelles a assuré que ses hommes avaient pu empêcher l'incendie de se propager et avaient pu saisir «des quantités d'armes» qui se trouvaient dans la maison.

Selon des sources tribales, les divisions au sein des Hached pourraient expliquer leur défaite rapide.

Cette puissante confédération est minée par des divergences entre le chef des Hached, cheikh Sadeq Al-Ahmar, et l'ancien président Ali Abdallah Saleh, dont le clan fait partie des Hached.

L'ancien président a dû quitter le pouvoir il y a deux ans, mais continue de diriger le Congrès populaire général (CPG, ancien parti au pouvoir), et ses détracteurs l'accusent de tenter de déstabiliser le pays.

Le représentant spécial de l'ONU pour le Yémen, Jamal Benomar, avait souligné la semaine dernière, en présentant son rapport au Conseil de sécurité de l'ONU, que «des membres de l'ancien régime continuent de manoeuvrer pour faire obstacle au changement et faire échouer la transition».

Cette «obstruction systématique» risque de «replonger le pays dans le chaos», avait-il averti.

Selon des diplomates, le Conseil de sécurité prépare un projet de résolution prévoyant des sanctions contre les partisans de l'ancien régime qui tentent de bloquer la poursuite de la transition politique, et certains pays souhaitent que l'ex-président soit désigné nommément.

Le Yémen est engagé dans une transition extrêmement délicate, qui devait théoriquement se terminer en février 2014. Mais le dialogue national, boycotté par les indépendantistes sudistes, a prolongé la période de transition, accordant un délai d'un an pour l'adoption d'une nouvelle Constitution par voie référendaire, sur la base de laquelle se tiendront des élections générales dans ce pays miné par les violences et la pauvreté.