Le premier ministre centrafricain André Nzapayeke a formé lundi son nouveau gouvernement de transition, composé à la fois de proches de l'ex-rébellion Séléka et des milices chrétiennes, ainsi que de figures connues de la politique centrafricaine.

L'annonce intervient dans un contexte tendu: alors que des ex-rebelles Séléka ont commencé à quitter Bangui, la capitale centrafricaine connaît depuis plusieurs jours un regain de violence entre chrétiens et musulmans, dans l'attente du vote mardi d'un projet de résolution des Nations unies prévoyant des sanctions à l'encontre des responsables de violences en Centrafrique.

Le nouveau gouvernement, composé de 20 ministres dont sept femmes, conserve plusieurs figures connues du précédent, comme Herbert Gontran Djono Ahaba, proche de l'ancien président Michel Djotodia, aux Travaux publics, ou Marie-Noëlle Koyara, plusieurs fois ministre sous Ange-Félix Patassé (président de 1993 à 2003), au Développement rural.

Parmi les figures de l'ex-rébellion Séléka, on retrouve Arnaud Djoubaï-Abazène aux Transports et Abdallah Hassan Kadre, précédemment à l'Économie, aux Télécommunications.

Les ministères de la Défense et de la Sécurité publique reviennent à deux militaires de l'ancienne armée nationale, le général Thomas Timangoa et le colonel Denis Wangao.

Les milices chrétiennes «anti-balaka» sont également représentées, avec Léopold Narcisse Bara à la Jeunesse et aux Sports.

Promesses de sanctions des Nations unies

Lundi, le ministère français des Affaires étrangères a promis des «sanctions» des Nations unies contre les «individus qui nuisent à la paix et à la stabilité».

«Tous les auteurs d'exactions devront répondre de leurs actes», a-t-il prévenu, précisant que le Conseil de sécurité se réunissait «à l'initiative de la France». Cette dernière a déployé des militaires en Centrafrique depuis le 5 décembre.

De nombreux mouvements d'ex-Séléka ont été observés dans Bangui, toujours en proie au chaos.

Selon Peter Bouckaert, directeur des urgences de l'ONG Human Rights Watch (HRW), un convoi emmenant des ex-Séléka a quitté la capitale centrafricaine dimanche, accompagné d'une lourde escorte, en direction de la ville de Bossembélé, au nord de Bangui.

Parmi eux se trouvait notamment le général Mahamat Baher, chef du renseignement de l'ex-rébellion, selon la même source. Les ex-combattants, pour beaucoup originaires de pays voisins comme le Tchad et le Soudan, sont actuellement en négociation avec la force africaine en Centrafrique (MISCA) en vue de préparer leur départ, a ajouté M. Bouckaert.

Et lundi, plusieurs centaines de combattants de l'ex-rébellion ont été évacués de deux importants camps militaires qu'ils occupaient dans le sud de Bangui, sous escorte de soldats burundais de la MISCA et de militaires français, avant d'être cantonnés dans un autre camp à la sortie nord de la ville.

La capitale toujours sous pression

Dans un communiqué, les Nations unies ont signalé de «graves violences (...) au-delà de Bangui»: ces derniers jours, des ex-Séléka auraient ainsi «tiré sur la population, tuant au moins 10 personnes et en blessant de nombreuses autres» dans la ville de Bocaranga, proche de la frontière tchadienne.

«Dans la ville voisine de Baoro, des anti-balaka (miliciens chrétiens) auraient attaqué des civils musulmans le 22 janvier, faisant au moins 80 morts et blessant des centaines de personnes. Près de 4000 maisons auraient aussi été incendiées», poursuit le texte.

Dans le centre de Bangui, les populations demeuraient tendues lundi, après les tirs et les tentatives de pillages la veille autour du quartier PK-5, poumon commercial de la capitale avec ses centaines de magasins appartenant pour la plupart à des musulmans.

Les populations musulmanes ne sont pas toujours rassurées par le départ des Séléka, craignant en particulier le harcèlement et les attaques des milices chrétiennes «anti-balaka» (anti-machettes).

À peine nommé samedi par la présidente Catherine Samba Panza, le nouveau premier ministre, André Nzapayeké, a fort à faire sur le front des violences interreligieuses et de la crise humanitaire sans précédent qui touche le pays, avec des centaines de milliers de déplacés, dont 400 000 à Bangui, soit la moitié de la population de la ville.

M. Djotodia, poussé à la démission le 10 janvier sous pression internationale, avait renversé en mars 2013 le régime de François Bozizé à la tête de la coalition rebelle Séléka à dominante musulmane. Elle s'est rendue responsable d'exactions répétées contre la population majoritairement chrétienne du pays, déclenchant une spirale de violences intercommunautaires dont les civils sont les principales victimes.