La loi restreignant fortement les droits des homosexuels promulguée lundi au Nigeria vient légitimer la violence homophobe et fait craindre une augmentation des persécutions, s'inquiétaient mardi des militants gays.

Adoptée à l'unanimité par les parlementaires nigérians en mai dernier, la loi prévoit une peine de 14 ans de prison en cas de mariage homosexuel et 10 ans d'emprisonnement pour les personnes de même sexe affichant publiquement leur relation.

Le président nigérian Goodluck Jonathan a promulgué lundi cette loi très controversée, s'attirant notamment la réprobation de l'ONU, des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de nombreuses ONG,dont Amnesty International.

Un homosexuel de Lagos, que l'AFP a décidé de ne pas nommer pour des raisons de sécurité, s'est dit mardi «effondré» par le geste du président Jonathan et «terrifié» par ses conséquences.

«Je suis surtout inquiet pour les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) dans le nord, dans le delta du Niger (...) et aussi, en fait, pour les personnes LGBT dans tout le pays», a-t-il confié.

Pour cet homme, le gouvernement «a légalisé la violence, la stigmatisation et la discrimination. (...) Notre situation ne fait qu'empirer».

À Londres, le militant LGBT et défenseur des droits de l'Homme Davis Mac-Iyalla a estimé que la nouvelle loi allait pousser la communauté homosexuelle à se cacher encore plus, et qu'elle risquait de se retrouver face à des soignants qui refuseraient de leur fournir des traitements, comme pour le sida par exemple, par crainte de poursuites judiciaires.

«Le pire dans tout ça, c'est qu'il existait déjà des lois au Nigeria qui criminalisaient les relations entre personnes de même sexe. Je ne connais personne qui réclamait un mariage entre personnes de même sexe», a lancé M. Mac-Iyalla. «On est dans un contexte général d'augmentation des sanctions et de criminalisation de l'homosexualité».

Il a néanmoins jugé qu'il restait un espoir de contester la nouvelle loi devant la justice nigériane. «Je crois toujours qu'il y a des juristes et des gens qui, du point de vue des droits de l'Homme, seraient intéressés par cette histoire. (...) On peut se battre pour les droits de l'Homme de n'importe où», même de l'étranger, a prévenu le militant.

«Nous n'allons pas nous taire et accepter une loi aussi draconienne», a-t-il ajouté.

L'Onusida et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ont déclaré craindre que les personnes LGBT au Nigeria ne se voient refuser l'accès aux services médicaux. Ils ont appelé dans un communiqué à «un examen rapide de la constitutionnalité de cette loi à la lumière des graves risques qu'elle présente pour la santé publique et les droits humains».

Le secrétaire d'État américain John Kerry s'est dit «profondément préoccupé» par la loi nigériane qui suit un texte similaire proposé en Ouganda.

La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a estimé que la loi «fait empirer une situation déjà mauvaise», renforce les préjugés existants et risque d'augmenter la violence.

«On voit rarement un texte de loi qui, en quelques paragraphes, viole directement tant de droits humains fondamentaux», a-t-elle ajouter.L'homosexualité est illégale dans 78 pays et punie de mort dans sept pays.