Au lendemain des élections les plus violentes de son histoire, le Bangladesh vit dans la peur d'une escalade des affrontements entre l'opposition et la police. Qualifié d'illégitime par l'Union européenne, le Commonwealth et les États-Unis, le scrutin de dimanche pourrait isoler politiquement le pays, l'un des plus peuplés du monde.

Q. Les violences des derniers jours vont-elles se poursuivre?

R. Tout peut arriver, explique Tej Thapa, chercheuse principale pour l'organisation new-yorkaise Human Rights Watch. «Des informations qui circulent laissent entendre que des partisans de l'opposition sont en train de se munir d'armes légères et de matériel explosif... La possibilité de voir des actes de violence au cours des prochains mois est bien réelle», dit-elle en entrevue téléphonique. Pays indépendant depuis 1971, le Bangladesh a connu une vingtaine de coups d'État depuis cette date. Avec 154 millions d'habitants, le Bangladesh est au huitième rang des pays les plus peuplés, tout juste avant la Russie, et est le deuxième exportateur mondial de textile.

Q. Comment se sont déroulées les élections?

R. Le parti au pouvoir, dirigé par la première ministre Sheikh Hasina, a récolté la majorité des appuis, mais cela ne veut rien dire dans une élection où l'opposition a décidé de ne pas présenter de candidats dans 153 circonscriptions sur 300. Parallèlement, des partisans du principal parti d'opposition, le Bangladesh Nationalist Party (BNP), et d'autres groupes extrémistes ont été impliqués dans des accrochages avec la police antiémeute. L'Union européenne, les États-Unis et le Commonwealth ont refusé d'envoyer des observateurs, arguant que les conditions nécessaires à la tenue d'élections libres et justes n'étaient pas réunies. «Les États-Unis sont déçus des récentes élections parlementaires au Bangladesh», a dit hier Marie Harf, porte-parole du département d'État américain.

Q. Que réclame l'opposition?

R. Le BNP réclamait la mise en place d'un gouvernement neutre et provisoire avant les élections, comme ce fut le cas dans le passé, mais le gouvernement a refusé. Depuis la tenue des élections, l'opposition a appelé à reconduire une grève générale dans le pays jusqu'à mercredi. La chef du BNP, l'ex-première ministre Khaleda Zia, est en «résidence surveillée» depuis la semaine dernière, a rapporté l'AFP. Dimanche, des émeutiers ont mis le feu à plus de 100 bureaux de scrutin au pays. Des observateurs ont remarqué que la violence et les accrochages avec les policiers étaient provoqués par de petits groupes d'extrémistes, et qu'ils trouvaient peu d'appuis dans la population générale.

Q. Peut-on s'attendre à la tenue de nouvelles élections dans un avenir rapproché?

R. L'instabilité semble trop prononcée pour que de nouvelles élections aient lieu très bientôt. Hier, la première ministre Hasina s'est dite ouverte à l'idée, mais sans donner de date. «Une élection peut survenir dès que l'opposition cesse d'avoir recours à la violence», a-t-elle dit en point de presse à Dacca, la capitale. Pour Tej Thapa, de Human Rights Watch, de nouvelles élections devront avoir lieu d'ici un an ou deux, sans quoi les tensions pourraient rendre le pays ingouvernable. «Le gouvernement n'aura pas le choix, c'est une question de légitimité, dit-elle. Mais à court terme, avec la violence et l'instabilité, c'est difficile de voir comment un scrutin pourrait avoir lieu.»