Des dizaines de milliers de migrants africains clandestins ont manifesté dimanche à Tel-Aviv pour réclamer le droit d'asile, le plus grand rassemblement du genre en Israël, qui ranime une question explosive dans la société israélienne.

Ce mouvement de protestation, lancé après l'adoption, le 10 décembre, d'une loi autorisant le placement en rétention sans procès jusqu'à un an des immigrés clandestins, se développe rapidement.

De 200 participants le 16 décembre, la mobilisation est montée à plusieurs milliers le 28 décembre, pour atteindre à présent plusieurs dizaines de milliers.

«Plus de 30 000 manifestants ont défilé dans le calme à Tel-Aviv», a confirmé à l'AFP une porte-parole de la police, Louba Samri.

Massés sur la place Yitzhak Rabin, ils ont dénoncé le refus des autorités israéliennes d'examiner leurs demandes de statut de réfugié, ainsi que le placement en rétention de centaines d'entre eux.

«Nous sommes tous des réfugiés! Oui à la liberté, non à la prison», ont-ils scandé en anglais, brandissant notamment des drapeaux érythréens et éthiopiens, avant d'écouter une série de discours dans plusieurs langues, a constaté un photographe de l'AFP.

Le député et ex-ministre de l'Intérieur Elie Yishaï, du parti religieux ultra-orthodoxe Shass, a affirmé que «cette manifestation était un signal d'alarme pour agir contre les clandestins», ajoutant que Tel-Aviv était devenue selon lui une «ville africaine».

«L'État d'Israël et les autorités judiciaires et policières doivent utiliser tous les moyens à leur disposition pour renvoyer les clandestins dans leur pays», a-t-il prôné, cité par le site du quotidien Maariv.

Soutenus par des militants israéliens, des migrants ont également décrété une grève de trois jours sur leurs lieux de travail, notamment dans la restauration et l'hôtellerie.

«Nous avons fui des persécutions, des dictatures, des guerres civiles, des génocides. Le gouvernement israélien doit étudier nos demandes d'asile et nous traiter comme des êtres humains», a déclaré à l'AFP Daoud, un Érythréen entré illégalement en Israël il y a quatre ans.

«Le gouvernement nous traite comme des criminels»

Daoud, qui n'a pas donné son nom complet pour des «raisons de sécurité», a précisé qu'une marche était prévue lundi en direction des bureaux du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ainsi que devant des ambassades étrangères à Tel-Aviv.

«Au lieu de nous considérer comme des réfugiés, le gouvernement israélien nous traite comme des criminels», a-t-il déploré.

Après le vote de la loi, un centre de détention surnommé «Holot» - sables, en hébreu - a été ouvert dans le sud d'Israël. Il est ouvert durant la journée, mais ses occupants doivent pointer à trois reprises, et sont obligés d'y passer la nuit.

Accueillant dans un premier temps 484 immigrés illégaux, il est destiné à recevoir 3000 personnes, et peut être agrandi afin d'en accueillir près de 11 000.

En septembre, la Cour suprême avait rejeté une première mouture du texte qui prévoyait une détention «fermée» sans procès pouvant aller jusqu'à trois ans, la considérant comme contraire à une loi garantissant «la dignité humaine et la liberté».

Les autorités évaluent à quelque 60 000 le nombre d'Africains entrés clandestinement en Israël, en grande majorité par la péninsule égyptienne du Sinaï, et ont lancé en 2012 une campagne qui a abouti au départ ou à l'expulsion de 3920 d'entre eux.

Israël a également achevé en 2013 la construction d'une clôture électronique le long des 230 km de frontière avec l'Égypte, ce qui a réduit pratiquement à néant le nombre d'entrées clandestines.

L'an dernier, le premier ministre Benjamin Nétanyahou s'était dit «déterminé» à expulser «les dizaines de milliers de migrants clandestins».

Ces immigrés sont en majorité des Érythréens et des Soudanais ayant demandé le statut de réfugié politique, qui leur a quasi systématiquement été refusé. Ils refusent de retourner dans leur pays par crainte de la répression.

Leur concentration dans les quartiers défavorisés du sud de Tel-Aviv a donné lieu à des incidents et des agressions xénophobes ces dernières années, qui ont culminé en 2012.

Une députée du Likoud, le parti de droite de M. Nétanyahou, Miri Regev, avait même assimilé les clandestins à «un cancer qui prolifère», des propos condamnés par des militants de gauche, et par le président du Parlement Réuven Rivlin, également membre du Likoud.