L'ex-vice-président sud-soudanais Riek Machar a affirmé mardi ne pas être prêt à un cessez-le-feu, ni même à rencontrer dans l'immédiat en face à face le président Salva Kiir, affirmant au contraire que la rébellion qu'il dirige marche sur la capitale Juba.

Riek Machar a cependant confirmé à l'AFP l'envoi d'une délégation dans la capitale éthiopienne Addis Abeba pour entamer des pourparlers de paix avec le gouvernement de Juba. Les autorités éthiopiennes, après avoir dans un premier temps annoncé la venue de Riek Machar et de Salva Kiir en personne, ont confirmé que deux délégations, sans les deux rivaux, étaient attendues.

«Nos forces marchent encore sur Juba (la capitale sud-soudanaise), il n'y a pas de cessez-le-feu pour l'instant», a affirmé M. Machar, ajoutant que la rébellion avait, malgré le démenti de l'armée sud-soudanaise, bel et bien déjà repris le contrôle de la ville stratégique de Bor, capitale de l'État du Jonglei (Est). Depuis le début des combats mi-décembre, c'est la troisième fois que la ville change de mains.

Riek Machar a précisé que tout cessez-le-feu devrait d'abord être négocié.

«C'est pour cela que la délégation va à Addis Abeba, pour discuter et négocier», a-t-il expliqué à l'AFP via un téléphone satellitaire, ignorant l'ultimatum fixé par des pays de la région.

Les États-Unis, principaux soutiens du Soudan du Sud pendant sa lutte pour l'indépendance, ont estimé que l'envoi de négociateurs était un «premier pas important», a déclaré l'envoyé spécial Donald Booth.

Selon les autorités éthiopiennes, le début des négociations est prévu pour mercredi.

«Je m'y rendrai plus tard, une fois que les négociations auront abouti à une cessation des hostilités. Cela dépendra de si et de quand cela sera décidé», a déclaré M. Machar.

«Nous n'avons pas réclamé cette bataille, elle nous a été imposée», a ajouté Riek Machar, démentant une nouvelle fois avoir déclenché les récents combats en tentant de s'emparer du pouvoir par la force comme l'en accuse Salva Kiir.

Le Soudan du Sud est déchiré depuis le 15 décembre par d'intenses combats alimentés par une rivalité entre le président Salva Kiir et son ex-vice-président Riek Machar, limogé en juillet.

Le premier accuse le second de tentative de coup d'État. Riek Machar nie et reproche à M. Kiir de chercher à éliminer ses rivaux.

Le conflit aurait déjà fait des milliers de morts et 180 000 déplacés. Des informations ont aussi émergé sur des massacres, viols, meurtres à caractère ethnique.

Car si les combats sont alimentés par une vieille rivalité politique, ils revêtent aussi une dimension tribale: le conflit entre les deux hommes utilise et exacerbe les antagonismes entre Dinka, tribu de M. Kiir, et Nuer, celle de M. Machar.

L'Union africaine a exprimé mardi «la consternation et la déception de tout le continent africain de voir la plus jeune nation du monde sombrer aussi rapidement dans une bataille entre civils», mettant en garde contre «une guerre civile généralisée», même si selon l'avis de certains observateurs, la guerre civile est déjà entamée.

D'intenses combats ont continué à faire rage mardi, les groupes rebelles déclarant avoir repris la stratégique ville sud-soudanaise de Bor, qui a changé de mains trois fois en deux semaines de combats.

«Bor est sous notre contrôle (...) Nous occupons désormais la ville» a déclaré à l'AFP un porte-parole des rebelles, Moses Ruai.

Le porte-parole de l'armée sud-soudanaise, Philip Aguer, a contesté cette déclaration, affirmant que des combats étaient encore en cours dans la ville. Un porte-parole de l'ONU a également confirmé que la ville était attaquée tôt mardi.

«Guerre civile à part entière»

Des milliers de civils ont fui la ville de Bor ces derniers jours, craignant une contre-attaque des rebelles et notamment de l'«Armée blanche», composée de jeunes miliciens d'ethnie Lou Nuer.

L'ONU a estimé à près de 200 000 le nombre de personnes forcées de quitter leur foyer, parmi lesquels 75 000 ont demandé la protection des Casques bleus rapidement dépassés par le nombre.

De violents combats ont été signalés dans les régions productrices de pétrole, les rebelles ayant pris le contrôle de la capitale de l'État stratégique de Unity, Bentiu, ainsi que des régions riches en pétrole du Nil supérieur.

La production pétrolière du Soudan du Sud a reculé d'au moins 15% en deux semaines de combats, ont indiqué mardi des sources industrielles.

Des émeutes et des viols perpétrés lors des massacres ont poussé l'Union africaine a haussé le ton, promettant d'imposer des «sanctions ciblées» à tous ceux qui «inciteraient à la violence, y compris suivant des clivages ethniques», «poursuivraient les hostilités» ou «commettraient des actes de violence contre les civils et les combattants désarmés».

L'Autorité intergouvernementale pour le développement en Afrique de l'Est (IGAD) conduite par l'Ethiopie -qui avait fixé à mardi l'ultimatum pour entamer des pourparlers de paix- a déclaré que les négociations «se concentreront sur un cessez-le-feu sous contrôle» avant le début d'autres négociations pour régler «les problèmes politiques sous-jacents».

Selon l'IGAD, le gouvernement sud-soudanais et les rebelles ont «accepté la cessation des hostilités», mais elle n'a pas précisé si un cessez-le-feu était imminent ou si les deux parties avaient simplement convenu d'un accord de principe.

M. Kiir, qui a qualifié la guerre d'«absurde», a exclu le partage du pouvoir avec les rebelles. «Qu'est-ce que le partage du pouvoir? Ce n'est pas envisageable. Cet homme est un rebelle. Si vous voulez le pouvoir, vous ne vous rebellez pas pour recevoir le pouvoir», a-t-il déclaré dans une interview diffusée mardi par la BBC.

«Quand je suis arrivé (au pouvoir), je ne l'ai pas fait via un coup militaire, je suis venu (au pouvoir) élu par le peuple», a-t-il ajouté.

Une des principales demandes des rebelles concernait la libération de plusieurs hauts dirigeants politiques, arrêtés quelques heures après le début des combats. Mais M. Kiir a déclaré que le processus judiciaire devrait suivre son cours.

Le président ougandais Yoweri Museveni a averti que M. Machar devrait se conformer à l'accord de cessez-le-feu ou devrait faire face à une réaction des états voisins. M. Museveni a ajouté que si M. Machar ne répond pas, «nous irons le chercher», sans préciser si sa menace impliquait une action militaire.