Des combats opposaient mercredi l'armée et la rébellion dans un État pétrolier du Soudan du Sud où l'ONU va renforcer massivement les effectifs des Casques bleus pour tenter de mettre fin au conflit.

Le bilan des combats qui opposent depuis la mi-décembre les forces du président sud-soudanais Salva Kiir et celles de son ex-vice-président Riek Machar, limogé en juillet et entré en rébellion, atteindrait plusieurs milliers de morts, selon l'ONU, qui a annoncé la découverte de charniers.

Près de 50 000 personnes sont réfugiées dans des camps de l'ONU à travers le pays, et peut-être des centaines de milliers d'autres auraient fui en brousse pour s'éloigner des combats.

«Il y a des combats à Malakal depuis ce matin entre les forces gouvernementales et les rebelles», a déclaré mercredi à l'AFP le ministre de l'Information Michael Makwei, démentant que les rebelles aient pris le contrôle de cette ville clé, capitale de l'État du Nil Supérieur.

Le contrôle des États pétroliers du nord du pays est un enjeu stratégique pour les deux parties, car les recettes du pétrole représentent 95% de la fragile économie nationale. Mercredi, les rebelles contrôlaient toujours Bentiu, la capitale de l'État d'Unité, le principal État pétrolier, mais les forces gouvernementales ont dit se préparer à reprendre la ville.

Pour faire face à l'urgence humanitaire, le Conseil de sécurité de l'ONU a autorisé mardi l'envoi de près de 6000 Casques bleus de plus au Soudan du Sud, soit un quasi-doublement des effectifs de la Minuss, qui deviendra ainsi la troisième mission de maintien de la paix de l'ONU, après celles en République démocratique du Congo et au Darfour.

Pas de date pour un dialogue entre les deux rivaux

Mais le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon a averti que ce redéploiement «ne se fera pas du jour au lendemain» et que l'ONU «ne peut pas protéger tous les civils» dans le pays. Il appartient aux deux camps rivaux de mettre fin au conflit, a-t-il ajouté, en appelant à des négociations entre MM. Kiir et Machar.

Il les a de nouveau appelés mercredi à négocier, et a menacé les responsables d'exactions de sanctions, dans un «message radio et vidéo à la population du Soudan du Sud».

«Le Soudan du Sud est menacé, mais le Soudan du Sud n'est pas seul», déclare-t-il. «Je veux vous assurer que les Nations unies se tiennent aux côtés de la population du Soudan du Sud en ces temps difficiles», ajoute-t-il, rappelant les «attaques abominables» et les «graves violations des droits de l'homme» commises.

Mardi, les forces gouvernementales ont progressé, reprenant aux rebelles la ville de Bor, capitale de l'État de Jonglei, à seulement 200 km au nord de Juba. Les rebelles tenaient la ville depuis le 19 décembre.

L'armée continuait mercredi de «nettoyer» les «poches rebelles» dans la zone.

«Il y a des opérations ce matin contre des poches rebelles dans le secteur de l'aéroport. L'armée est en train de les nettoyer. Mais la plupart des rebelles qui étaient dans la ville sont en fuite», a déclaré le ministre de l'Information Michael Makwei.

Selon un correspondant de l'AFP qui a pu se rendre à Bor, les cadavres jonchent les rues de la ville. Les magasins ont été pillés, les maisons détruites, tandis que dans le bureau du gouverneur - utilisé comme base par les rebelles pendant leur occupation - les fenêtres ont été défoncées et les portes arrachées de leurs gonds. Les habitants reviennent en nombre.

Les combats touchent désormais la moitié des 10 États du jeune pays, indépendant depuis 2011: ceux de Jonglei, d'Unité, d'Équateur central (Juba), mais aussi du Nil supérieur ou encore d'Équateur oriental.

Le Soudan du Sud est en proie à d'intenses combats depuis le 15 décembre, le président Kiir ayant accusé son ancien vice-président de tentative de coup d'État. Riek Machar dément, accusant Salva Kiir de vouloir éliminer ses rivaux. Dans leur lutte pour le pouvoir, les deux rivaux instrumentalisent les antagonismes entre leurs ethnies réciproques: les Nuer de Machar, les Dinka de Kiir.

Dans son message de Noël «à la ville et au monde», le pape François a appelé mercredi à «favoriser la concorde au Soudan du Sud, où les tensions actuelles ont déjà provoqué des victimes et menacent la cohabitation pacifique du jeune État».

Les appels à la cessation des hostilités de la communauté internationale n'ont pour l'instant pas été suivis. Les deux rivaux ont cependant accepté d'entamer des pourparlers, mais sans fixer de date.

Riek Machar a demandé mardi «des élections démocratiques et libres».

Dans un message à la nation à l'occasion de Noël, Salva Kiir a reconnu la dérive interethnique des combats: «Il y a maintenant des gens qui ciblent les autres en raison de leur appartenance tribale (...) Tout cela va entraîner notre nouvelle nation vers le chaos», a-t-il prévenu.

De premières découvertes macabres ont eu lieu. Depuis Genève, Mme Navi Pillay, Haute-commissaire de l'ONU responsable des droits de l'homme, a annoncé mardi la localisation d'un charnier à Bentiu et de deux autres à Juba.

Une quinzaine de corps ont été découverts dans le charnier de Bentiu, et une vingtaine de cadavres ont été trouvés près d'une rivière avoisinante.

À Juba, la Minuss s'est montrée plus prudente mercredi sur l'existence de charniers, confirmant les 15 morts, mais expliquant «enquêter» sur cette affaire.