Les États-Unis, parrains de l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, accroissent leur pression diplomatique sur le régime de Juba et sur la rébellion, tant pour des raisons humanitaires que stratégiques, soulignent des experts.

Mais bien que le président Barack Obama se soit déjà exprimé à trois reprises sur un conflit qui déchire depuis une semaine la plus jeune nation du monde, ces spécialistes n'imaginent pas Washington engager des milliers de troupes combattantes dans ce pays qu'ils ont largement contribué à faire naître en juillet 2011.

Deux ans et demi à peine après son indépendance, le Soudan du Sud est «au bord précipice», s'est alarmé M. Obama, avertissant que l'appui diplomatique et économique crucial des États-Unis cesserait en cas de coup d'État militaire de l'ancien vice-président Riek Machar.

Le secrétaire d'État John Kerry a aussi dit au téléphone ce week-end au président Salva Kiir que les violences sapaient ce qui avait été imaginé lors de l'indépendance du 9 juillet 2011.

Un conflit armé oppose depuis le 15 décembre des forces rebelles de l'ex-vice-président Machar à celles du président Kiir, dans cette jeune nation sud-soudanaise qui a émergé d'une longue guerre civile contre Khartoum de 1983 à 2005.

Washington avait largement appuyé la rébellion indépendantiste sudiste de John Garang (mort en 2005 dans un accident d'hélicoptère) et a été depuis le plus gros pourvoyeur d'aide aux premiers pas de Juba, rappelle Richard Downie du Center for Strategic and International Studies (CSIS).

«Les États-Unis ne veulent pas voir partir en fumée tout le dur travail accompli», explique à l'AFP cet analyste pour qui les Américains ont au Soudan du Sud un «intérêt de longue date, réellement guidé par des raisons humanitaires».

Le Soudan du Sud émeut Hollywood

M. Downie se souvient de «l'engagement personnel du président George W. Bush (2001-2009), au début de son mandat, dans les efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre civile entre le Nord et le Sud».

Washington a en effet été l'un des artisans de l'accord de paix de janvier 2005 à Naivasha, au Kenya, qui offrait six ans d'autonomie au Sud, puis du référendum sur l'indépendance de janvier 2011.

«Pour s'assurer que ce référendum ait bien lieu et que le Soudan du Sud gagne son indépendance, les États-Unis se sont impliqués diplomatiquement et ont mis beaucoup de ressources», note l'expert du CSIS.

La conseillère à la Sécurité nationale à la Maison Blanche, Susan Rice, impliquée depuis 20 ans dans le dossier soudanais et qui était à Juba pour l'indépendance en juillet 2011, a encore réclamé ce week-end la fin des combats, dans un message audio au peuple et aux dirigeants sud-soudanais. Mme Rice, comme sa collègue Samantha Power, ambassadrice des États-Unis à l'ONU, sont marquées par les guerres en Bosnie, au Rwanda ou au Darfour et par les réponses imparfaites à leurs yeux que les États-Unis y ont apportées.

Le sort du Soudan du Sud émeut aussi à Hollywood, notamment les vedettes Mia Farrow et George Clooney, tandis que la diaspora chrétienne sud-soudanaise aux États-Unis sert de caisse de résonance, via les églises et les étudiants.

Plus cynique, l'ancien ambassadeur de France au Soudan Michel Raimbaud (1994-2000) «doute que la démocratie et les droits de l'homme guident les intérêts des États-Unis au Soudan du Sud».

«La sécession, pour laquelle Washington a joué un rôle très important, a été motivée par des considérations pétrolières et stratégiques, pour casser le Soudan, le plus grand pays arabe d'Afrique», accuse le diplomate à la retraite, aujourd'hui expert indépendant.

Des allégations contestées par M. Downie, qui assure que les Américains «ne sont pas impliqués dans l'industrie pétrolière» au Soudan du Sud, au contraire des Chinois, et que «leur intérêt stratégique y est tout aussi ténu».

Reste que le président Obama a dépêché à Juba son émissaire pour le Soudan et le Soudan du Sud, Donald Booth, et a envoyé 91 militaires pour assurer la sécurité des Américains restant sur place, après l'évacuation de 380 ressortissants.

Mais M. Downie ne croit pas à un engagement militaire américain à grande échelle.

«Ce serait vraiment un grand pas pour les États-Unis (...) qui sont très, très circonspects à l'idée d'envoyer des troupes au sol en Afrique», estime l'expert.