Après les ex-rebelles Séléka, l'armée française a mené mardi une nouvelle opération de désarmement à Bangui, visant cette fois les milices chrétiennes «anti-balaka», au moment où le Premier ministre Nicolas Tiangaye lançait un appel aux Centrafricains pour le retour «à la paix et à l'unité».

Les États-Unis ont annoncé de leur côté disposer de quelques militaires à Bangui chargés de coordonner le transport aérien de soldats burundais en Centrafrique, une opération qui devrait être achevée cette semaine.

Signe du soutien croissant de Washington à l'opération militaire de la force de l'Union africaine (Misca) épaulée par la France, l'ambassadrice américaine à l'ONU Samantha Power et la secrétaire d'État adjointe pour l'Afrique Linda Thomas-Greenfield devraient se rendre «très bientôt» en République centrafricaine (RCA), a annoncé cette dernière diplomate.

Les soldats français de l'opération Sangaris ont lancé à l'aube une opération de «sécurisation» à Boy-Rabe, quartier nord de la capitale et bastion des milices chrétiennes «anti-balaka» (anti-machettes, en langue sango). Elle impliquait des véhicules blindés, un hélicoptère, et s'est terminée à la mi-journée.

Proche de l'aéroport, le quartier de Boy-Rabe est un fief de l'ancien président François Bozizé, renversé en mars 2013 par l'ex-rébellion de la Séléka. Situé en limite de la brousse, Boy-Rabe sert de refuge à de nombreux miliciens «anti-balaka», en lutte contre l'ex-Séléka.

À la faveur d'une vaste offensive coordonnée le 5 décembre dans plusieurs quartiers périphériques de Bangui, ces miliciens ont pris part à de nombreuses attaques contre des civils musulmans qu'ils assimilent aux combattants de l'ex-rébellion Séléka, coalition à dominante musulmane au pouvoir depuis mars.

Boy-Rabe a été pillé à plusieurs reprises ces derniers mois par des hommes de la Séléka, qui y ont commis d'innombrables exactions. La population, chrétienne, excédée par ces violences, y est largement acquise aux «anti-balaka», dont l'armement est généralement très sommaire.

«Nous avons des indices de possible présence d'anti-balaka» dans Boy-Rabe, a expliqué le général Francisco Soriano, qui commande le dispositif français en RCA, assurant que l'opération «s'est bien déroulée».

Les soldats français «bien accueillis»

L'armée française entame là, selon le général Soriano, une nouvelle étape de son désarmement des milices et groupes armés, débutée le 9 décembre à Bangui.

Neutralisés et consignés dans leurs casernes, de nombreux combattants de l'ex-Séléka étaient furieux de ce désarmement à sens unique selon eux, qui réduisait leur pouvoir et les laissait incapables de défendre la communauté musulmane face à la soif de vengeance des habitants - très majoritairement chrétiens - de Bangui.

De nombreux Banguissois reprochaient également aux Français de rester sur les grands axes et de ne pas pénétrer en profondeur dans les quartiers, dédales de ruelles en terre aux innombrables maisonnettes, où se poursuivent toujours des violences - pillages et lynchages - entre chrétiens et musulmans.

«Il n'y a pas eu de coups de feu. Ils ont regardé. Il y avait beaucoup de soldats» (français), a affirmé à l'AFP Augustin Ngoua Kouzou, un maçon venu travailler dans Boy-Rabe.

«Les soldats ont été bien accueillis par la population. C'est une bonne chose qu'ils viennent ici», a relaté un autre témoin. Un habitant a estimé: «c'est bien de désarmer aussi les anti-balaka (...). Il faut que tout le monde se calme».

De façon plus générale, le général Soriano a rappelé que l'armée française n'avait pas connu d'accrochage depuis vendredi dernier, après la mort de deux soldats tués par des assaillants non identifiés.

L'officier supérieur s'est montré optimiste, soulignant que la circulation automobile a repris et que plus personne ne circule ostensiblement avec des armes dans la ville. «La situation reste fragile avec des attitudes et des propos pouvant être violents», a néanmoins reconnu le chef de Sangaris, qui a rappelé une nouvelle fois «l'impartialité» des forces françaises.

À Paris, un responsable français a reconnu que les services de renseignement français n'ont pas été en mesure de prévenir l'offensive des anti-balaka sur Bangui le 5 décembre, qui a déclenché la dernière vague de violences interreligieuses et précipité l'intervention militaire française.

«On avait des indices que quelque chose se préparait, mais on ne savait pas quoi, ni quand», a révélé ce proche du dossier, sous couvert de l'anonymat, admettant les «difficultés rencontrées» par les renseignements français pour identifier et suivre les activités la multitude de groupes opérant aujourd'hui en RCA.

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a annoncé que des pays européens déploieront bientôt des troupes au sol en Centrafrique, au côté des soldats français. Il n'a pas cité les pays en question, mais la Belgique a indiqué peu après envisager d'envoyer 150 soldats en RCA pour une «mission de protection» des aéroports.

Militaires américains sur place

Les États-Unis ont annoncé mardi disposer de quelques militaires à Bangui chargés de coordonner le transport aérien de soldats burundais en Centrafrique, une opération qui devrait être achevée cette semaine.

Signe du soutien croissant de Washington à l'opération militaire de la force de l'Union africaine (Misca) l'ambassadrice américaine à l'ONU Samantha Power et la secrétaire d'État adjointe pour l'Afrique Linda Thomas-Greenfield devraient se rendre «très bientôt» en République centrafricaine (RCA), a annoncé cette dernière diplomate. «Nous sommes profondément inquiets de la violence atroce de part et d'autre de la Centrafrique et en particulier de la nature de plus en plus confessionnelle des attaques contre les civils», a dit Mme Thomas-Greenfield devant la commission des Affaires étrangères du Sénat.

«Préserver la concorde»

Sur place, le Premier ministre Nicolas Tiangaye a lancé un nouvel «appel au calme pour que la paix revienne».

«Il faut préserver l'unité nationale et la concorde. C'est le socle du pays. Un seul pays, un seul peuple», a déclaré à l'AFP M. Tiangaye, réfugié à l'aéroport depuis que sa maison a été pillée au cours des derniers événements.

La discorde a éclaté au grand jour dimanche au sein du gouvernement, dominé par les pro-Séléka, avec le limogeage de trois ministres et du directeur du Trésor, décidé unilatéralement par le président (et ex-chef rebelle) Michel Djotodia.

Ce limogeage a été contesté par une partie du gouvernement, qui compte dans ses rangs d'anciens partisans de l'opposition démocratique (comme M. Tiangaye) et des partisans du président déchu Bozizé.

Une réunion de conciliation aura lieu mercredi à Bangui entre MM. Djotodia et Tiangaye, en présence de médiateurs de la sous-région, a-t-on appris de source proche du Premier ministre.