Des combats auraient fait entre 400 et 500 morts à Juba où près de 15 000 habitants de la capitale sud-soudanaise ont trouvé refuge auprès de l'ONU, qui redoute des violences ethniques au lendemain de l'annonce d'un coup d'État manqué.

Entre 400 et 500 cadavres auraient été transportés dans des hôpitaux de Juba à la suite des combats opposant des factions rivales de l'armée, selon un responsable de l'ONU.

Le secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous, a précisé devant le Conseil de sécurité que 800 autres personnes avaient été blessées dans ces affrontements entre les forces fidèles au président sud-soudanais Salva Kiir et celles d'un de ses opposants, selon des diplomates qui étaient présents lors de la réunion.

M. Ladsous a précisé que ces informations se fondaient sur les données envoyées par les hôpitaux de Juba mais que les Nations unies n'étaient pas encore en mesure de confirmer ces chiffres, alors que de nouvelles violences ont éclaté mardi.

Des tirs et des détonations, qui avaient repris dans la nuit de lundi à mardi malgré le couvre-feu, ont été entendus par intermittence jusqu'à environ 14h30 mardi dans divers quartiers de la ville où la population se terrait, selon un journaliste de l'AFP.

Mardi soir, près de trois heures après le début du couvre-feu (18h00 locales) on entendait encore des détonations sporadiques d'armes légères, semblant démentir les affirmations du ministre de l'Information à l'AFP, selon lesquelles les autorités avaient «le contrôle total» de la situation.

Le gouvernement a annoncé mardi l'arrestation de dix personnalités politiques «en rapport avec le coup d'État déjoué» dimanche, que le président Salva Kiir a accusé son rival politique, l'ancien vice-président Riek Machar, limogé en juillet, d'avoir fomenté avec des soldats lui étant loyaux.

Sur les dix personnes arrêtées figurent huit anciens ministres du gouvernement limogé en juillet, dont plusieurs personnalités sud-soudanaises, mais pas M. Machar, qui selon le gouvernement est «en fuite» et recherché, ainsi que quatre autres importantes figures politiques sud-soudanaises.

Le sort exact de M. Machar, personnalité controversée pour s'être un temps allié à Khartoum durant la guerre civile, reste inconnu, ni lui ni ses proches n'étant joignables depuis dimanche soir.

M. Makuei a démenti que l'armée ait détruit ou bombardé la maison de l'ex-vice-président.

Dinka contre Nuer

«La situation à Juba est désormais totalement sous contrôle et il n'y plus de raison d'avoir peur», a-t-il assuré à l'AFP, annonçant la prochaine réouverture de l'aéroport et appelant habitants et commerçants à reprendre dès mercredi une activité normale. La population est terré chez elle et les magasins fermés depuis dimanche soir.

Selon M. Ladsous, près de 15 000 personnes se sont réfugiées sur les bases de l'ONU tout autour de Juba depuis que les combats ont démarré dimanche soir. La Mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss) avait auparavant évoqué le chiffre de 10 000 civils réfugiés dans les deux bases de l'ONU à Juba. Washington a annoncé l'évacuation de ses diplomates non essentiels.

Certains observateurs redoutent désormais que les affrontements se muent en tueries entre les communautés Dinka du président Kiir et Nuer de M. Machar, qu'opposent des ressentiments remontant à la guerre civile. Des sources humanitaires ont fait état de violences de militaires ciblant d'ores et déjà la communauté Nuer à Juba.

«Il est crucial que la violence actuelle ne prenne pas des dimensions ethniques», a averti mardi la Minuss, exhortant «citoyens et dirigeants à se garder de tout acte incendiaire ou violence contre des communautés en particulier».

Des observateurs ont émis mardi des doutes sur la réalité de la tentative de coup d'État alléguée par le président Kiir, y voyant un possible prétexte pour se débarrasser de M. Machar, rival de longue date qui avait ouvertement fait part de son intention de se présenter contre le chef de l'État à la présidentielle de 2015.

En juillet, le président Kiir avait limogé M. Machar et l'ensemble du gouvernement, sur fond d'inimitié entre les deux hommes et de dissensions au sein du régime, issu de l'ex-rébellion sudiste. Celle-ci est au pouvoir depuis un accord de paix avec Khartoum en 2005, qui a mis fin à des décennies de guerre civile et débouché sur l'indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011.

«Nous continuons d'assembler les différents éléments et morceaux d'information, il est donc un peu prématuré de dire exactement ce qui a déclenché les violences»,  a déclaré mardi matin à la BBC l'envoyé spécial des États-Unis au Soudan et au Soudan du Sud, Donald Booth.

Selon des sources concordantes, Riek Machar et ses partisans ont claqué la porte samedi d'une réunion de l'exécutif du parti au pouvoir, le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), profondément divisé depuis plusieurs mois.