Les soldats français ont étendu dimanche leur champ d'action dans tout Bangui, où de premières tensions sont perceptibles avec des éléments de l'ex-rébellion Séléka, en attendant le désarmement des groupes armés promis par Paris.

«La période d'impunité est terminée», a prévenu dimanche soir le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui s'exprimait sur des médias français.

«Demain» (lundi), «tout le monde pose les armes», a affirmé le ministre. Ou alors «on utilise la force pour les faire poser», a-t-il mis en garde.

En véhicules blindés ou à pied, pour la deuxième journée consécutive, les soldats français de l'opération «Sangaris» ont été très visibles dimanche sur les boulevards et carrefours stratégiques de Bangui, où l'activité est restée réduite malgré le retour à un calme relatif après les massacres des jours derniers.

Les militaires de Sangaris patrouillent désormais «dans l'ensemble» de la capitale, selon l'état-major français: «Là où nous sommes, nous ne constatons pas de menace à l'encontre de la population, mais la situation sécuritaire reste tendue».

Les soldats français ont notamment observé une certaine «tension» à l'approche d'éléments armés de l'ex-rébellion de la Séléka (au pouvoir), selon l'état-major: «(...) ils ont compris qu'ils vont devoir être regroupés, désarmés, que la force française est en train de s'imposer à leurs dépens dans la capitale, ce qui crée une tension».

Patrouille française visée par des tirs

Près de l'aéroport, une patrouille française a répliqué dimanche après avoir été la cible de tirs, selon des témoins. Il n'y a eu aucun blessé côté français, d'après une source militaire. Jeudi, un premier incident survenu également près de l'aéroport avait fait quatre morts dans les rangs de l'ex-Séléka.

De facto, l'avertissement français s'adresse en priorité à ces ex-combattants rebelles, coupables de nombreuses exactions ces derniers mois -pillages, exécutions sommaires- à l'encontre de la population.

Haïs des habitants, qui les voient le plus souvent comme des «occupants» venus du Tchad et du Soudan voisins, les ex-Séléka, majoritairement musulmans, sont les seuls à évoluer en armes dans la capitale, face aux milices villageoises et chrétiennes «anti-balaka» (anti-machettes, favorables à l'ancien régime), présentes en brousse ou infiltrées dans les quartiers.

La Centrafrique est plongée dans le chaos et un engrenage de violences communautaires et interreligieuses entre chrétiens et musulmans depuis le renversement en mars du président François Bozizé par une coalition hétéroclite à dominante musulmane, la Séléka.

Ces violences se sont multipliées à Bangui comme en province, dans un pays de 4,6 millions d'habitants en totale décomposition, précipitant l'intervention française dans le pays, officiellement lancée jeudi soir après le vote d'une résolution de l'ONU.

Le matin même, des miliciens anti-balaka avaient lancé une vaste offensive dans plusieurs quartiers de Bangui, massacrant de nombreux civils musulmans, et entrainant des représailles sanglantes des ex-Séléka contre la population terrorisée.

En trois jours, 394 personnes ont été tuées, selon un dernier bilan donné dimanche par le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.

«Le calme est revenu dans Bangui, même s'il y a encore ici ou là des exactions», a-t-il expliqué, alors que l'armée française a véritablement lancé ses opérations de sécurisation.

L'opération Sangaris (du nom d'un papillon rouge local) mobilise 1600 militaires français, déployés en appui à une force africaine sur place, la Misca (2500 soldats).

Avec pour mission prioritaire de mettre fin aux massacres et de «désarmer toutes les milices et groupes armés qui terrorisent les populations», ils demeureront dans le pays «autant que nécessaire», et jusqu'à la tenue d'élections, selon Paris.

L'essentiel des forces françaises est concentré à Bangui, mais des unités sont également déployées dans le nord-ouest du pays, où les affrontements à caractère interreligieux sont réguliers depuis septembre.

Arrivée la veille par la route du Cameroun, via les villes de Bouar (ouest) et Bossembélé, une colonne de blindés français a fait son entrée dimanche soir à Bangui sous les vivats la foule, a constaté l'AFP.

Une centaine d'autres soldats, venus eux de Bangui, se sont déployés à Bossangoa (270 km au nord-ouest de la capitale), une localité où la tension reste extrêmement vive.

Un président «qui a laissé faire»

La plupart des militaires de Sangaris sont issus de la 11e brigade parachutiste, avec une nette prédominance des troupes de marine. L'opération dispose aujourd'hui de huit hélicoptères, et du soutien d'avions de chasse Rafale, en provenance du Tchad voisin, qui ont de nouveau survolé Bangui dimanche matin en guise de démonstration de force.

«On attend que les Français rentrent dans nos quartiers pour qu'on ne voie plus tous ces gens armés», expliquait dimanche matin à l'AFP un habitant de Bangui, en référence aux hommes de la Séléka.

Les combattants de l'ex-rébellion ont presque disparu des rues de la ville, après avoir reçu l'ordre des autorités de rentrer dans les casernes.

Le président centrafricain Michel Djotodia -arrivé au pouvoir en mars à la tête de la coalition Séléka, qu'il a ensuite dissoute- a décrété un deuil national de trois jours, en mémoire des victimes «des tragiques évènements» de ces derniers jours.

Samedi soir, l'ancien chef rebelle, apparemment incapable de garder le contrôle d'une partie de ses troupes (supposées être intégrées aux forces de sécurité) avait fait l'objet de vives critiques de la part du président François Hollande, plutôt inhabituelles dans la bouche d'un président français.

«On ne peut pas laisser en place un président qui n'a rien pu faire, a laissé faire», a accusé le chef de l'État français à propos de M. Djotodia, censé quitter le pouvoir fin 2014 avant l'organisation d'élections.