Après le Mali, la France s'apprête à intervenir en Centrafrique avec un millier de soldats et un projet de résolution à l'ONU devant conduire à terme à l'envoi de Casques bleus dans ce pays en proie au chaos.

«Un millier de soldats» français vont être déployés en Centrafrique «pour une période brève, de l'ordre de six mois à peu près», afin de rétablir l'ordre en appui d'une force africaine, a annoncé mardi le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian.

L'opération en Centrafrique «n'a rien à voir avec le Mali», a-t-il dit. «Là, c'est l'effondrement d'un État et une tendance à l'affrontement confessionnel».

La Centrafrique s'est enfoncée dans l'anarchie depuis le renversement, le 24 mars, du président François Bozizé par Michel Djotodia, chef de la coalition rebelle Séléka qu'il a depuis dissoute sans pour autant réussir à rétablir l'ordre.

De passage à Paris lundi, le premier ministre centrafricain de transition Nicolas Tiangaye a reconnu une «insécurité généralisée», faisant état de «crimes de guerre et crimes contre l'humanité».

«Il y a un risque d'implosion dans tous les domaines», a également déclaré mardi le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius sur France Culture, ajoutant que «si le vide et l'implosion s'installent, ça va concerner tous les pays de la région, c'est-à-dire le Tchad, les Soudans, le Congo, le Cameroun». «C'est pour cela que la Communauté internationale et les Africains disent : il faut mettre le holà», a-t-il ajouté.

Si la France prend soin de souligner qu'elle est «en appui» et qu'elle ne réédite pas en Centrafrique, ex-colonie, son intervention armée du début de l'année au Mali, qui visait à neutraliser des groupes islamistes armés, elle apparaît cependant comme pour ce pays à la manoeuvre et sur tous les fronts, diplomatique comme militaire.

Appel à un soutien européen

À l'ONU, Paris a soumis lundi soir à ses partenaires du Conseil de sécurité un projet de résolution visant à renforcer la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA) déjà présente, avec la perspective de la transformer en force de l'ONU de maintien de la paix.

Dans un premier rapport examiné lundi par les 15 membres du Conseil, Ban Ki-moon avait évoqué le déploiement de 6000 à 9000 Casques bleus, mais jusqu'à présent, plusieurs pays, notamment les États-Unis ou la Grande-Bretagne, semblaient réticents à financer une nouvelle opération de maintien de la paix en Afrique.

Selon l'ONU, sans «action rapide et décisive» en Centrafrique, il existe le risque «que la crise échappe à tout contrôle» et s'aggrave dans un «conflit religieux et ethnique», entre chrétiens et musulmans, qui pourrait mener à des «atrocités généralisées». La République centrafricaine risque aussi de «devenir un vivier pour les extrémistes et les groupes armés», selon l'ONU.

Lundi, l'ambassadeur français à l'ONU Gérard Araud a estimé que le projet de résolution proposé par Paris pourrait être adopté la semaine prochaine.

La résolution, dont l'AFP a obtenu copie, est placée sous le chapitre 7 de la Charte de l'ONU, qui prévoit le recours à la force. Elle autorise la MISCA à se déployer «pour une période initiale de six mois» pour tenter de rétablir la sécurité et de protéger les civils.

La force panafricaine compte actuellement 2500 hommes, sur un total prévu de 3600, mais elle peine à atteindre son effectif plein et manque de moyens. La résolution demande à l'ONU de mettre en place un fonds pour financer la MISCA et invite les États membres à y «contribuer généreusement et rapidement».

Le projet de résolution, qui réclame «l'application rapide des accords de transition» en RCA, avec dans la foulée des élections libres et équitables, «autorise les forces françaises» présentes en RCA à «prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir la MISCA».

Selon le premier ministre centrafricain, reçu lundi par M. Fabius, la France envisage d'envoyer en Centrafrique 800 soldats supplémentaires qui viendraient s'ajouter aux 410 hommes déjà stationnés en permanence à l'aéroport de Bangui.

Intervenant mardi devant l'Assemblée nationale, M. Fabius a précisé qu'il était «en train de prendre des contacts» avec les partenaires européens de la France, «car évidemment, plus il y aura un soutien européen sous forme militaire et sous forme logistique, plus il sera rapide, financier, plus nous serons en capacité d'agir».