L'armée congolaise a obtenu mardi une victoire historique en battant la rébellion du M23 dans l'est de la République démocratique du Congo.

Les derniers combattants du Mouvement du 23 Mars ont été chassés pendant la nuit des deux dernières positions qu'ils occupaient dans les montagnes du Nord-Kivu, frontalières du Rwanda et de l'Ouganda.

Plusieurs experts estiment que cela marque la première véritable victoire militaire du pays depuis son indépendance en 1960.

En une dizaine de jours, l'armée loyaliste a repris l'intégralité du territoire qu'occupait le M23. Tout ce temps, la force des Nations unies au Congo (MONUSCO) lui a fourni un précieux soutien en matière de logistique et de renseignement, puis un appui offensif décisif lundi dans les dernières heures de la bataille des collines.

La victoire a été fêtée jusque dans la lointaine capitale congolaise, de l'autre côté du vaste pays, grand comme cinq fois la France : dans Kinshasa, où fleurissent depuis plusieurs jours des panneaux publicitaires géants «FARDC Eloko ya makasi» («Forces armées de la RDC : quelque chose de plus fort») près de deux mille femmes en blanc ont manifesté mardi leur soutien et leur gratitude aux militaires.

Province riche en ressources naturelles, le Nord-Kivu est le foyer de rébellions qui menacent la stabilité de la région des Grands Lacs depuis une vingtaine d'années.

C'est de là qu'était parti en 1996 l'AFDL de Laurent-Désiré Kabila (père de l'actuel président Joseph Kabila) qui, avec l'aide du Rwanda voisin et d'autres pays de la région dont l'Angola, allait renverser l'année suivante la dictature de Mobutu Sese Seko et prendre le pouvoir.

Le Nord-Kivu a été l'épicentre de la Grande Guerre africaine qui a impliqué une dizaine de pays sur tout le territoire congolais de 1998 à 2003. Depuis lors, la province n'a cessé d'être agitée par plusieurs groupes rebelles, essentiellement composés de Tutsis congolais et qui se sont toujours constitués en rempart contre les génocidaires hutus rwandais des FDLR présents dans la région depuis 1994. Les FDLR sont encore constitués en partie de génocidaires, mais comptent aussi dans leurs rangs de jeunes Hutus ayant fui le Rwanda.

Défait sur le terrain, le M23 a annoncé mardi matin qu'il mettait «un terme à sa rébellion» et ferait désormais valoir ses vues pacifiquement.

Le gouvernement congolais a proclamé de son côté une «victoire totale» contre un dernier carré de 200 à 300 rebelles qui ne tenaient plus depuis la veille que deux collines proches de Bunagana, à environ 80 km au nord de Goma, la capitale du Nord-Kivu. C'est dans ces hauteurs verdoyantes aux confins de l'Ouganda et du Rwanda qu'était né le mouvement, il y a dix-huit mois.

La France a salué mardi la «fin» du M23 et a appelé au «désarmement» de «tous les groupes armés». Plaidant également en ce sens, l'ONU a exhorté le M23 et Kinshasa à mettre un terme définitif à leur différend par un «accord de principe».

Les derniers rebelles ont fui au Rwanda, selon Kinshasa

Pour un spécialiste occidental de la région, le «vide laissé par le M23 risque d'être très vite investi par les FDLR» (Forces démocratiques de libération du Rwanda), et «si les FDLR sont tentées d'élargir leur zone d'influence ou s'attaquent aux Tutsi congolais dans l'Est, Kigali ne laissera pas faire».

Kinshasa a déjà envoyé un gage de bonne volonté en promettant de s'attaquer «incessamment» à cette milice pour la désarmer avant de mater tous les autres groupes armés qui empêchent depuis des années l'État congolais d'établir son autorité sur l'ensemble de son vaste territoire.

Les derniers rebelles ont «fui pour la plupart vers le Rwanda», a affirmé le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende. Il a ajouté être certain que leur chef militaire, Sultani Makenga, n'était plus sur le territoire congolais et qu'il devait se trouver au Rwanda ou en Ouganda.

Un haut responsable rwandais a affirmé à l'AFP à Kigali qu'à part quinze blessés du M23 «arrivés au Rwanda le 28 octobre», «aucun autre» combattant du mouvement n'avait «traversé au Rwanda».

Au faîte de sa puissance, le M23 avait occupé Goma pendant quelques jours en novembre 2012, avant de se replier à quelques kilomètres sous la pression de la communauté internationale.

Ce mouvement, s'appuyant sur les populations rwandophones locales, était né d'une mutinerie d'anciens rebelles, essentiellement tutsi, intégrés dans l'armée trois ans plus tôt après un accord de paix.

La victoire contre le M23 témoigne des progrès d'une armée congolaise qui était jusque-là surtout réputée pour son indiscipline, ses pillages contre les populations et son inefficacité.

Outre l'appui de la brigade d'intervention de la MONUSCO, qui dispose du droit d'user de la force, la victoire a été facilitée par le fait que les rebelles ont été lâchés par le Rwanda et l'Ouganda. Les deux pays, accusés par les Nations unies de soutenir le M23, ont fait l'objet d'intenses pressions diplomatiques, notamment américaines, pour que cela cesse.

La défaite du M23 marque la première véritable victoire militaire de Kinshasa depuis que le Congo belge est devenu indépendant en 1960 dans la mesure ou le rattachement, en 1963, de la province sécessionniste du Katanga avait surtout été obtenu grâce à une intervention militaire de l'ONU.