Quelque 150 migrants ont été arrêtés tandis qu'ils cherchaient à se rendre en Algérie, malgré le récent décès de 92 Nigériens, morts de soif dans le désert au cours de leur odyssée funeste qui a provoqué un vif émoi international.

Ces interpellations effectuées vendredi et samedi sont le résultat d'un durcissement des autorités de Niamey, qui a annoncé toute une série de mesures pour lutter contre l'émigration clandestine depuis que le drame a été révélé cette semaine.

Le premier ministre nigérien Brigi Rafini, en déplacement à Kantché, la ville du sud du Niger dont 70 des victimes étaient originaires, a appelé ses concitoyens à «se ressaisir» et à «se réaliser» chez eux plutôt d'émigrer clandestinement.

«Chaque jour que Dieu fait, d'autres Nigériens prennent le même chemin périlleux. Il y a en a beaucoup qui meurent sans qu'on le sache», a noté le chef du gouvernement, avant de lancer : «il n'est pas question que nous laissions nos concitoyens aller à l'aventure.»

Samedi, une patrouille militaire nigérienne a stoppé une centaine de clandestins, en «majorité des hommes et quelques enfants», «dans le désert» et les a ramenés à Arlit (nord du Niger), a déclaré une source sécuritaire nigérienne.

«Les migrants sont encore gardés à la gendarmerie, mais on ne connaît pas leur sort», a précisé cette source, pour qui ces personnes «seront peut-être relâchées» puisqu'elles «ne sont pas les passeurs».

Vendredi, «une patrouille de la garde nationale» avait «intercepté» «deux camions transportant 47 personnes en partance pour Assamaka», selon un communiqué du gouvernement lu à la télévision publique

Assamaka est la dernière localité nigérienne avant Tamanrasset, la grande ville du sud algérien, qui était la destination initiale des 92 migrants nigériens morts.

Une information judiciaire a été ouverte sur cette tragédie, a annoncé le colonel Garba Maïkido, le gouverneur d'Agadez, la grande ville du nord du Niger et principal pôle de transit des migrants.

Ne pas «rester insensibles»

«Face à ce drame, nous ne pouvons pas rester insensibles», a réagi le colonel Maïkido.

Si «le désert emporte» des vies «et va toujours en emporter», «nous pouvons amoindrir les risques» en prenant «un certain nombre de dispositions et de mesures», a-t-il estimé sur la radio nationale.

Vendredi, le gouvernement nigérien avait annoncé la fermeture «immédiate» des «ghettos» d'Agadez, ces habitats très précaires où vivent les clandestins avant la poursuite de leur voyage, généralement à destination de la Libye mais aussi de l'Algérie.

À l'issue d'un conseil des ministres, le gouvernement a également annoncé dans un communiqué vendredi soir que «tous les acteurs» de ce trafic de migrants seraient «identifiés» et «sanctionnés avec la rigueur requise».

Samedi, le procureur d'Agadez, Samna Chaïbou, a énuméré sur les ondes de la radio publique des mesures visant à «instituer le contrôle systématique du flux migratoire».

Il a annoncé que tout migrant sans documents de voyage serait «refoulé», ajoutant que chacun d'entre eux devra disposer de papiers en règle avec un «visa du pays à visiter».

Les passeurs éventuels sont également dans la ligne de mire du pouvoir à Niamey. Dans ce contexte, les conducteurs de véhicules devront «déclarer l'identité des migrants à l'administration», sous peine de poursuites judiciaires.

Quelque 92 migrants - essentiellement des femmes et des enfants - sont morts de soif début octobre pendant qu'ils traversaient le désert pour rejoindre l'Algérie. Seuls 21 ont survécu.

Les détails horribles de leur périple et de leur décès - véhicules bondés tombés en panne, déshydratation progressive, cadavres en décomposition et mangés par des chacals - n'ont été révélés que cette semaine.

Des photos obtenues samedi par l'AFP montrent notamment des soldats devant plusieurs corps recouverts de draps à proximité d'une fosse et les cadavres de deux enfants, la tête tournée vers le sol.

Le Niger, un des pays les plus pauvres du monde

Une Nigérienne vivant à Tamanrasset (sud de l'Algérie) - destination

initiale des migrants - qui avait organisé le voyage a été écrouée à Arlit (nord du Niger), selon une source sécuritaire nigérienne.

Les 92 victimes, qui fuyaient de mauvaises récoltes à venir, se rendaient en Algérie pour «vivre de la mendicité», a expliqué, Rhissa Feltou, le maire d'Agadez.

Le Niger, un des pays les plus pauvres du monde, est confronté à des crises alimentaires récurrentes, et l'émigration y est massive.

Les décès en plein désert de clandestins, souvent abandonnés par leurs passeurs à une mort certaine, se révèlent assez fréquents, mais dans des proportions bien moindres.

Selon l'ONU, près de 5000 migrants ouest-africains, dont de nombreux Nigériens, ont transité chaque mois entre mars et août 2013 par Agadez.

Leur principale destination est la Libye, vue comme une porte d'accès à l'Europe depuis la chute de Mouammar Khadafi.