Plus de 2500 enfants, dont une grande majorité de nourrissons, sont morts de malnutrition au Niger durant les huit premiers mois de cette année, une situation tragique mettant en relief la «réelle» dépendance du pays envers les bailleurs d'aide internationale.

La plupart des victimes sont des enfants en bas âge dans leurs deux premières années, très fragiles. Le Niger n'étant pas en situation de famine, les décès liés à la malnutrition sont bien plus rares chez les enfants plus âgés ou chez les adultes.

Malgré ce nombre important de décès, la prise en charge de la malnutrition a progressé par rapport à 2012, remarque Guido Cornale, le responsable de l'UNICEF au Niger, pays pauvre où elle est endémique et massive.

Sur les quatre dernières années, la mortalité infantile (pourcentage d'enfants décédés par rapport à ceux soignés pour malnutrition) est en diminution constante au Niger, même si les chiffres restent effrayants.

Un pour cent des enfants traités sont morts entre le 1er janvier et les premiers jours de septembre 2013 (2524 morts sur 252 427 cas), selon l'UNICEF.

Un chiffre en progrès par rapport à 2012 (1,6 %, soit environ 5900 décès sur 370 000), 2011 (1,4 %, soit environ 4100 / 293 000) ou 2010 (1,7 %, environ 5560 / 330 000), selon l'UNICEF, les années 2010 et 2012 ayant été marquées par des crises alimentaires.

«Le plus d'enfants pris en charge» au monde

«On trouve autant d'enfants malnutris parce qu'on les cherche», observe Guido Cornale, le responsable de l'UNICEF au Niger, pays où selon lui «il y a le plus d'enfants pris en charge» au monde.

«Sans l'aide internationale au Niger, on verrait les enfants mourir par dizaines de milliers» chaque année, ajoute M. Cornale, joint par téléphone depuis Abidjan, qui salue également le travail du gouvernement nigérien, qui «répond» aux attentes des bailleurs.

Ceux-ci financent substantiellement le pays - l'un des dix plus pauvres au monde - que le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) a placé en 2012 en 186e et dernière place, ex aequo avec la République démocratique du Congo, dans son classement sur le développement humain.

Depuis 2010, l'ONU, les ONG, les donateurs, et la société civile ont confié 426 milliards de francs CFA (près de 910 millions de dollars) aux autorités nigériennes pour qu'elles affrontent les crises alimentaires et agricoles, selon Niamey.

«Il est indéniable que le gouvernement fait des efforts dans la lutte contre la malnutrition. Il est dans une bonne dynamique», observe un expert sous couvert d'anonymat.

«Mais le degré de substitution (du secteur humanitaire international par rapport au secteur public nigérien) est inquiétant. La dépendance du Niger par rapport aux bailleurs est réelle», constate-t-il.

La malnutrition est particulièrement criante au Niger, un pays sahélien connaissant une insécurité alimentaire majeure. Même dans les bonnes années de récolte, deux à trois millions de personnes dépendent de l'aide humanitaire.

Mais outre le déficit en nourriture, «le manque d'hygiène, d'assainissement, la qualité de l'eau, l'accessibilité aux services de santé» ou encore la survenance de maladies infectieuses favorisent la malnutrition, explique Sanoussi Atte, un responsable au ministère nigérien de la Santé.

Autant de causes auxquelles il faut s'attaquer simultanément, ce qu'un pays pauvre comme le Niger, en proie à des problèmes sécuritaires, n'est pas en mesure de faire.

Pays coincé entre le Mali et le Nigeria

«Le Niger est un pays au bord du désert, coincé entre deux conflits, au Mali et au Nigeria», analyse une source humanitaire. Des groupes terroristes traversent régulièrement ses frontières.

«Le gouvernement a des feuilles de route, notamment sécuritaires, qui font douter de changements substantiels» dans l'allocation des ressources contre la malnutrition, renchérit le premier expert.

À ce problème de fonds s'ajoute une catastrophe démographique annoncée. Avec un taux de fécondité de 7,6 enfants par femme, le plus élevé au monde, le Niger voit sa population doubler tous les dix-huit ans, selon un document onusien.

Les Nigériens, qui sont actuellement 17,1 millions, devraient voir leur nombre atteindre 55 millions d'individus en 2050, remarque un cadre étranger. Nourrir, soigner ou encore apporter de l'eau potable à autant de personnes semble irréalisable.

«Nos projets ne sont pas tenables dans la durée, assène un autre expert. Chaque année, vu la démographie, ce pays est voué à avoir 360 000 malnutris, puis 400 000, puis davantage, si l'on ne fait rien pour changer les choses en amont.»

Le gouvernement nigérien mise sur l'éducation (15 % de son budget, 25 % à terme) pour faire évoluer son peuple. Sans quoi la communauté internationale devra le tenir à bout de bras pour des décennies encore, en admettant qu'elle souhaite s'investir aussi longtemps au Niger.