Une militante du mouvement de contestation qui secoue le Soudan a été arrêtée chez elle, a indiqué son époux mercredi, alors qu'une campagne d'arrestations est en cours après les manifestations déclenchées par une hausse des prix du carburant.

La répression du mouvement de contestation a été condamnée mercredi par un responsable des Affaires étrangères britanniques en visite à Khartoum.

Dalia El-Roubi, qui est aussi employée de la Banque mondiale au Soudan, a été arrêtée lundi par huit officiers des forces de sécurité venus la chercher à son domicile où ils ont également saisi une caméra et un appareil photo numérique, a précisé à l'AFP son époux Abdelrahmane Elmahdi.

Une amie, Rayan Shaker, qui participe aussi à la contestation, a été arrêtée en même temps qu'elle, mais aucune raison n'a été donnée pour les deux arrestations, a-t-il précisé.

«À ce jour, nous n'avons aucune information sur ce qu'elle est devenue, ni son lieu de détention ni dans quel état elle est», a déclaré son mari.

Il a indiqué que Dalia El-Roubi, mère de trois enfants, n'était membre d'aucun parti politique, mais qu'elle faisait partie du «mouvement de jeunesse», et d'un mouvement nommé «Le Changement maintenant pour le Soudan».

Selon lui, son épouse, très active sur les réseaux sociaux, avait participé à une manifestation le weekend dernier, à l'occasion des funérailles de Salah Sanhouri, un pharmacien abattu pendant une manifestation.

Personne n'a souhaité faire de commentaires au bureau de la Banque mondiale où elle travaille habituellement comme spécialiste des communications.

Après les manifestations qui ont débuté il y a dix jours, sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir du président Omar el-Béchir en 1989, les autorités ont indiqué avoir arrêté des centaines de «criminels».

Le gouvernement affirme avoir été contraint d'intervenir la semaine dernière en raison de la violence des manifestations citant notamment des attaques contre des stations-service et des locaux de la police.

Un bilan officiel fait état de 34 morts, plusieurs organisations de défense des droits de l'homme ont rapporté plus de 50 morts les 22 et 23 septembre, principalement dans la région de Khartoum

La France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont dénoncé une réaction excessive des autorités.

En visite à Khartoum, le diplomate britannique Simon Fraser a exprimé devant la presse les préoccupations de son pays concernant «les nombreuses arrestations (...) notamment d'un grand nombre de journalistes et de militants».

M. Fraser a par ailleurs appelé à une «accélération» d'un dialogue national que le président Béchir avait appelé de ses voeux en avril. «Cela requiert l'engagement de toutes les parties, et en particulier du gouvernement», a déclaré le diplomate britannique.

Mardi, le ministère français des Affaires étrangères avait «condamné la manière disproportionnée» avec laquelle les autorités soudanaises ont répondu aux manifestations, de même que les «arrestations arbitraires et la censure des médias».

Le ministère américain des Affaires étrangères avait lui dénoncé dès vendredi la «répression brutale» et «disproportionnée» des manifestations.

Le Comité pour la protection des journalistes, une ONG basée à New York, a accusé mardi soir le Soudan d'utiliser «la censure et l'intimidation» pour obliger les journalistes à adopter la version officielle sur les manifestations.

L'intensité des manifestations a baissé cette semaine, mais des témoins ont fait état mercredi de deux petits rassemblements.

Une trentaine de femmes ont tenu un rassemblement silencieux à Khartoum près d'un QG de l'armée et d'une résidence d'hôtes du président Béchir, a indiqué un témoin.

«Nous voulons la justice pour les martyrs et les blessés», pouvait-on lire sur une bannière alors qu'une autre appelait à la liberté d'expression, selon un autre témoin.

Dans la ville de Port Soudan, sur la mer Rouge, une centaine d'étudiants ont manifesté contre le gouvernement, a indiqué un témoin.