Combats entre soldats maliens et rebelles touareg dans le Nord, soldats mécontents qui protestent à coup de tirs en l'air dans le Sud: le Mali, qui sort à peine d'une crise politico-militaire de 18 mois, était lundi en proie à de nouveaux troubles.

Pour la deuxième journée consécutive, un accrochage a opposé à Kidal (nord-est) l'armée à la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), tandis que des soldats proches des putschistes de mars 2012 ont dénoncé des différences de traitement en leur sein à Kati, ville garnison proche de Bamako en tirant en l'air et blessant un officier, qu'ils séquestraient.

Dans le même temps, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), un des groupes jihadistes ayant occupé le Nord malien et affirmant y disposer toujours d'unités, a revendiqué un attentat suicide mené samedi à Tombouctou.

Selon une source militaire malienne à Kidal, une position de l'armée a été attaquée lundi matin «par des troupes du MNLA», provoquant la riposte des militaires.

Selon des habitants, des échanges nourris de coups de feu ont été quelques heures dans les environs d'une banque située en plein centre-ville, poussant ses riverains à se calfeutrer chez eux.

Les tirs ont cessé à la suite d'une intervention de la mission de l'ONU au Mali, la Minusma, a indiqué une source militaire en son sein.

De même source, les deux camps, qui avaient reçu des renforts, ont accepté de retourner dans leurs bases.

Ces échanges de tirs se produisent pour la deuxième journée de suite à Kidal, un fief du MNLA qui y dispose de combattants armés.

Dimanche, des échanges de tirs y avaient déjà opposé des militaires à des hommes armés non identifiés, selon des responsables du gouvernorat de la ville.

Le MNLA a soutenu qu'il s'agissait de l'une de ses unités, faisant état de trois blessés dans ses rangs.

La banque proche des lieux des violences avait déjà été le théâtre d'une attaque à la grenade, le 27 septembre, contre des soldats qui la sécurisaient.

«Un problème entre Sanogo et nous»

Des tirs ont également résonné à Kati (15 km de Bamako), dans la garnison où vivent et travaillent des meneurs du coup d'État de mars 2012 au Mali, y compris leur chef, le général Amadou Sanogo.

Quelques dizaines de soldats, mécontents de ne pas avoir obtenu de promotions, ont tiré en l'air et blessé un colonel proche de Sanogo. Un des soldats en colère a affirmé à l'AFP que ses camarades et lui retenaient toujours l'officier lundi soir.

«Tant que Sanogo ne va pas nous donner nos galons, nos primes et nos avancements de salaires, on ne va pas le laisser. (...) Ce n'est pas un problème entre l'État et nous, c'est un problème entre Sanogo et nous», a dit le soldat mécontent, qui s'est présenté comme le sergent Ousmane Coulibaly.

Ces incidents ont poussé les ménages résidant à l'intérieur du camp à se calfeutrer, mais ils n'avaient pas provoqué de panique à Bamako, selon des journalistes de l'AFP.

L'attaque la plus sanglante de ces derniers jours a été l'attentat suicide de Tombouctou (plus de 900 km au nord de Bamako), où des kamikazes ont lancé samedi leur véhicule piégé contre un camp de l'armée.

Bilan officiel: deux civils tués en plus de quatre kamikazes, six soldats maliens blessés.

Aqmi a revendiqué lundi cet attentat suicide. Selon un porte-parole au Sahara cité par le site mauritanien privé Alakhbar, 16 soldats maliens ont été tués dans l'opération menée par deux kamikazes.

Cette escalade de violences dans le Nord suscite des interrogations sur les capacités de l'armée face aux menaces jihadistes et aux velléités autonomistes touareg.

En 2012, les militaires maliens ont subi une débâcle face aux groupes armés qui ont occupé plusieurs mois durant ces vastes régions allant de Kidal, Tombouctou à Gao. L'épilogue de la crise a été l'élection, en août, du président Ibrahim Boubacar Keïta.

La brusque dégradation de la situation sécuritaire au Mali s'est produite en l'absence du pays de M. Keïta, qui effectuait une visite lundi à Paris après sa participation la semaine dernière à l'Assemblée générale des Nations unies à New York.

Soldats mécontents à Kati

Quelques dizaines de soldats malien mécontents de leur traitement ont tiré en l'air lundi au camp militaire de Kati, près de Bamako, blessant un officier proche d'Amadou Sanogo, meneur du coup d'État de mars 2012 au Mali, a appris l'AFP de sources militaires.



D'après ces sources, il s'agit de jeunes soldats qui protestent pour ne pas avoir obtenu de promotions contrairement à d'autres putschistes de 2012 basés à Kati, ville-garnison près de Bamako.

Le capitaine Sanogo, qui travaille et réside à Kati, n'était toutefois pas sur les lieux où se sont déroulés les incidents, a précisé une des sources.

Les tirs avaient cessé lundi après-midi au camp de Kati, mais la situation dans la ville demeurait tendue, selon un journaliste de l'AFP sur place, tandis qu'à Bamako, aucune perturbation majeure n'était signalée, selon un autre journaliste de l'AFP.

Des riverains d'une station-service ont toutefois affirmé avoir vu quatre militaires à bord d'un 4x4 obliger le gérant à les servir en carburant, sans payer, et partir en trombe en direction de Kati après avoir bloqué avec des barils et du bois une des routes qui y mènent.

Certains Maliens commençaient à exprimer des craintes de troubles, rappelant que le coup d'État du 22 mars 2012 qui a renversé le président élu Amadou Toumani Touré avait été précédé d'une mutinerie de soldats en colère.

Lors des incidents à Kati, le directeur de cabinet de Sanogo, le colonel Habib Diallo, a été séquestré et blessé par balle, selon deux militaires.

Des informations contradictions avaient circulé sur son sort, un militaire indiquant qu'il avait été transféré à l'hôpital, un autre affirmant l'inverse tandis qu'un membre de sa famille disait être sans nouvelles de lui.

Mais en début de soirée, l'AFP a pu joindre au téléphone un des soldats mécontents, qui s'est présenté comme le sergent Ousmane Coulibaly. Il a affirmé qu'il retenait toujours avec ses camarades l'officier.

Il a expliqué qu'ils se sont sentis laissés de côté par les membres de l'ex-junte militaires, dont certains ont bénéficié récemment de promotions et d'avancement à des grades supérieurs.

«Nous sommes toujours au camp de Kati avec "l'otage". Tant que Sanogo ne va pas nous donner nos galons, nos primes et nos avancements de salaires, on ne va pas le laisser. Nous attendons un rendez-vous avec lui. Lui, il a eu l'argent, le grade, nous, on n'a rien eu. Ce n'est pas un problème entre l'État et nous, c'est un problème entre Sanogo et nous», a dit le sergent Coulibaly.

Pour un autre militaire malien, haut gradé, «ce qui se passe (à Kati), c'est un règlement de comptes entre putschistes, c'est de la cuisine interne».

Depuis août, plusieurs auteurs du coup d'État de mars 2012 ou leurs proches ont été promus à des grades supérieurs. Parmi eux, Amadou Sanogo, passé directement du grade de capitale à celui de «général de corps d'armée» et Moussa Sinko Coulibaly, un de ses proches et actuellement ministre, passé de colonel à général.

Auparavant, Sanogo avait été nommé en août 2012 à la tête d'un comité de réforme de l'armée, fonctions dont il a été déchargé un an plus tard.

Sa promotion avait été critiquée au Mali et à l'étranger - l'organisation Human Rights Watch (HRW) l'a qualifiée de «honteuse» -, où l'on a souligné que Sanogo n'a jamais combattu dans le nord du Mali contre l'occupation islamiste.

Les putschistes avaient justifié le renversement du président Touré par l'incapacité d'un État corrompu à lutter contre la montée des périls en tous genres dans les régions du nord du Mali: groupes jihadistes et criminels, rébellion touareg.

Mais le coup d'État avait précipité la prise de ces vastes zones du Mali par les groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda qui les ont occupées pendant neuf mois, avant d'en être chassés par une intervention militaire internationale initiée par la France à partir de janvier 2013.