Les Guinéens ont voté samedi dans le calme pour les premières élections parlementaires depuis plus de dix ans dans leur pays, un scrutin à tour unique organisé dans un contexte tendu après des violences pré-électorales, avec l'espoir de sortir d'une transition agitée.

Les bureaux ont commencé à fermer progressivement à partir de 18 h heures locales (14 h à Montréal) à Conakry et dans les régions, selon des journalistes de l'AFP dans la capitale et des habitants en provinces, où aucun incident violent n'a été signalé.

Dans les bureaux qui avaient fermé, le dépouillement des bulletins avait commencé aussitôt et se poursuivait à la lumière de lampes-torches en certains endroits à Conakry, faute d'électricité.

Une grande mobilisation des électeurs a été constatée tant à Conakry que dans des villes de l'intérieur, d'après diverses sources, ce qu'a confirmé la Commission électorale nationale indépendante (Céni), estimant que «le défi de la participation massive» a été relevé.

«Nous nous acheminons vers un taux de participation de plus de 80%. Nous avons passé une journée de vote calme. Il n'y a pas eu de clash (heurts), les Guinéens se sont bien comportés», a déclaré le responsable de la Communication de la Céni, Alpha Yéro Condé, lors d'une conférence de presse.

Les résultats complets provisoires seront annoncés mercredi, a-t-il ajouté.

Des problèmes ont été signalés par endroits à Conakry et en province, notamment l'absence d'encre indélébile, des bureaux de vote ou cartes électorales introuvables. Des électeurs ont aussi dénoncé la qualité de l'encre utilisée, qui n'était pas toujours indélébile, ce qui rend possible selon certains des votes multiples.

Plus de cinq millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour ces législatives, les premières depuis celles de 2002. Elles devaient être organisées dans les six mois suivant l'investiture, en décembre 2010, d'Alpha Condé, devenu le premier président démocratiquement élu de Guinée, après deux ans de transition agitée sous la coupe de militaires putschistes.

Le scrutin a été repoussé plusieurs fois, en raison d'absence de consensus entre pouvoir et opposition, notamment sur le fichier électoral. Le processus électoral a été grippé pendant plusieurs mois par un bras de fer entre les deux camps, qui a parfois conduit à des manifestations marquées par des violences meurtrières.

«La Guinée va aller de l'avant»

«Je souhaite que le peuple de Guinée vote massivement et en paix et je (lui) dis de ne rien craindre. Tout se passera bien. La Guinée va aller de l'avant», a déclaré le président Alpha Condé, après avoir voté dans le centre-ville.

«À partir de maintenant, l'État exercera ses responsabilités et le pays sera tranquille», a-t-il assuré, souhaitant «que tout se passe bien et que l'expression du peuple guinéen soit respectée».

L'opposant Cellou Dalein Diallo, principal adversaire politique du président Condé, a de son côté regretté des anomalies ayant empêché des militants de l'opposition de voter.

Il a mis en garde contre toute tentative de fraude, ce qu'a également fait Sidya Touré, autre chef de l'opposition. «Nous sommes déterminés à aller aux élections dans la paix, mais nous n'accepterons pas des résultats tronqués. Toute la Guinée sera dans la rue si jamais nous constatons que les résultats donnés ne sont pas conformes à la réalité», a averti M. Touré.

Au total 1 714 candidats - parmi une trentaine de listes - ont participé à ces élections visant à désigner 114 députés.

En dépit de la multitude des candidatures, le scrutin se résume pour l'essentiel à une confrontation entre les deux coalitions constituées autour du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, tendance socialiste) du président Condé, et de l'Union des forces démocratique de Guinée (UFDG, tendance libérale) de Cellou Dalein Diallo.

Un des points fondamentaux de désaccord entre les deux camps était le fichier électoral, que l'opposition soupçonnait d'avoir été «gonflé» en faveur du pouvoir dans les zones considérées comme pro-Condé et réduit dans des zones réputées fiefs des opposants. Autre point de désaccord: la Céni, jugée partiale par les opposants.

La contestation politique a été marquée ces derniers mois par plusieurs manifestations qui ont dégénéré en débordements meurtriers. Et de récents heurts entre militants du pouvoir et de l'opposition ont fait craindre de nouvelles violences.

Alseyni Sylla, un quinquagénaire au chômage, se dit impatient de «tourner la page de ces législatives», expliquant: «Tout est suspendu à ces élections et chaque fois que tu veux faire quelque chose à Conakry, on te demande d'attendre que les élections passent».