Plus de cinq millions de Guinéens élisent samedi leurs députés, un scrutin repoussé depuis près de trois ans organisé dans un contexte de tensions communautaires, pour tourner la page d'une transition agitée.

Ces législatives devaient être organisées dans les six mois suivant l'investiture, en décembre 2010, d'Alpha Condé, devenu le premier président démocratiquement élu de Guinée, après deux ans de transition agitée sous la coupe de militaires putschistes. Mais elles ont été repoussées plusieurs fois, en raison d'absence de consensus entre pouvoir et opposition.

«Ces législatives vont nous permettre de sortir d'une transition de cinq ans chaotique», a estimé vendredi M. Condé lors d'une rencontre avec la presse à Conakry.

Au total, 1714 candidats - parmi une trentaine de listes - sont en compétition pour 114 sièges à pourvoir, sur un seul tour. Les bureaux de vote ouvrent de 8 h à 18 h locales (4 h à 12 h à Montréal).

En dépit de la multitude des candidatures, le scrutin se résume pour l'essentiel à une confrontation entre les deux coalitions constituées autour du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, tendance socialiste) du président Condé, et de l'Union des forces démocratique de Guinée (UFDG, tendance libérale) du principal opposant Cellou Dalein Diallo, un ex-premier ministre.

Jusqu'au dernier jour de campagne électorale, jeudi, des militants des deux camps se sont déclarés confiants en une victoire.

Plus d'une centaine d'observateurs de l'Union européenne (UE) et l'Union africaine (UA) superviseront le vote, dont les résultats provisoires doivent être annoncés par la Commission électorale nationale indépendante (Céni) dans les 72 heures suivant le scrutin, d'après les dispositions légales.

Pendant plusieurs mois, le processus électoral a été grippé par un bras de fer entre pouvoir et opposition, qui a été dénoué par un accord signé en juillet entre les deux camps sous l'égide de la communauté internationale.

Un dernier blocage a été levé avec un report obtenu in extremis la semaine dernière, qui a permis de repousser le scrutin du 24 au 28 septembre.

Les Guinéens invités à voter «sans violences»

Un des points fondamentaux de désaccord était le fichier électoral, que l'opposition soupçonnait d'avoir été «gonflé» en faveur du pouvoir dans les zones considérées comme pro-Condé et réduit dans des zones réputées fiefs des opposants. Autre point de désaccord: la Céni, jugée partiale par les opposants.

La contestation politique a été marquée ces derniers mois par plusieurs manifestations qui ont dégénéré en débordements meurtriers.

Les troubles ont pris une dimension communautaire dans ce pays francophone de 11 millions d'habitants, musulman à près de 90%, dont l'histoire est marquée par les violences politiques, militaires et ethniques depuis son indépendance de la France en 1958.

Pour l'analyste guinéen Mamadou Aliou Barry, qui dirige une ONG, les législatives de samedi se déroulent «dans un contexte de dissensions entre deux principaux groupes ethniques, les Peuls (ethnie de Cellou Dalein Diallo, NDLR) et les Malinké (ethnie d'Alpha Condé), instrumentalisées par les partis politiques».

Les récents heurts entre militants du pouvoir et de l'opposition, les 22 et 23 septembre (un mort, plus de 70 blessés) ont fait craindre de nouvelles violences, d'autant que mercredi, le ministre de la Sécurité, Madifing Diané, a fait a estimé que le scrutin s'annonçait «dans des conditions très agitées», après avoir fait état de menaces sur la Guinée.

Il s'exprimait après la publication, le même jour, d'un article par l'hebdomadaire français Le Canard enchaîné d'un projet de coup d'État contre le pouvoir à Conakry, avec pour fondement des convoitises sur les richesses minières importantes de la Guinée (bauxite, fer, diamant...).

Les appels au calme et à l'apaisement se sont multipliés à l'approche du scrutin.

Vendredi, deux des chefs religieux du pays parmi les plus écoutés, l'imam de la grande mosquée de Conakry, El Hadji Mamadou Saliou Camara et l'archevêque de Conakry, Monseigneur Vincent Coulibaly, ont exhorté à un scrutin pacifique.

«Tous les chefs religieux demandent au peuple de faire son devoir patriotique sans violences», avait notamment dit l'imam Camara.