Les rébellions touareg et arabe ont annoncé jeudi soir qu'elles suspendaient les négociations avec le gouvernement malien portant sur les territoires du Nord, où vivent essentiellement ces communautés, ce qui fragilise les perspectives de paix durable au Mali.

La question du statut du nord malien, que les mouvements touaregs appellent «Azawad», hérisse les deux camps. Les rebelles souhaitent l'autonomie, dont Bamako ne veut entendre parler.

«Suite aux multiples difficultés de mise en oeuvre de l'accord de Ouagadougou causées notamment par le non-respect par la partie gouvernementale malienne de ses engagements», le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), ont «décidé de suspendre (leur) participation aux structures de mise en oeuvre dudit accord».

Les trois mouvements, dans un communiqué commun, appellent à la tenue d'une «réunion extraordinaire», «dans l'urgence» «de toutes les parties».

Le MNLA, le HCUA et le MAA datent la prise de cette décision au 18 septembre, «à l'occasion de la deuxième réunion du Comité de suivi et d'évaluation dudit accord», expliquent-ils.

Ce jour-là, le MNLA, le HCUA, le MAA et la CMFPR (Coordination des mouvements et fronts patriotiques de résistance, qui regroupe des milices Ganda Koy et Ganda Izo, comprenant surtout des communautés noires) s'étaient pourtant engagés, dans une déclaration commune, à unir leurs efforts pour parvenir à une solution «définitive de la crise dite du nord du Mali».

Après trois jours de réunion à Bamako, ces groupes, dont certains se sont combattus durant la crise qui a meurtri le Mali entre 2012 et 2013, s'étaient également dits «soucieux de préserver l'unité nationale et l'intégrité territoriale de la République du Mali» et avaient promis de «ne pas utiliser la violence comme moyen d'expression».

Mais quelques heures plus tard, le MNLA, via son vice-président Mahamadou Djeri Maïga, affirmait à l'AFP que son mouvement «ne négocierait rien (d'autre) que l'autonomie de l'Azawad», «ou il n'y (aurait) pas de négociations avec les autorités maliennes».

Dans le même temps, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) assurait qu'il ne «(négocierait) jamais l'intégrité territoriale du Mali ainsi que l'unité nationale». Deux positions diamétralement opposées.

L'accord de Ouagadougou, qui a mis fin à 18 mois de crise politico-militaire au Mali, a permis l'organisation de l'élection présidentielle du 28 juillet ayant porté IBK au pouvoir.

Un volet de l'accord, dans lequel rebelles et responsables gouvernementaux s'engageaient à respecter l'intégrité territoriale du pays, garantissait la tenue de «pourparlers de paix» 60 jours après l'installation du nouveau gouvernement malien, notamment afin de décider du statut de la région nord.

Vivant essentiellement dans le Nord, la communauté touareg - quelques centaines de milliers de personnes sur une population totale d'environ 15 millions d'habitants - s'estime mise à l'écart du développement du reste du pays.

Le MNLA, allié à divers groupes armés dont des jihadistes, a lancé en janvier 2012 des attaques contre l'armée dans le nord du Mali, qui ont servi de prétexte à des militaires pour renverser le 22 mars 2012 le président Amadou Toumani Touré en l'accusant d'incurie dans la gestion de cette offensive.

Le putsch a précipité la chute du nord du Mali aux mains des groupes armés. Les jihadistes ont fini par évincer du terrain leurs ex-alliés touareg et ont occupé ces régions pendant plusieurs mois en 2012, avant d'être chassés à partir de janvier 2013 par une intervention militaire franco-africaine.

La rébellion touareg et l'occupation jihadiste ont exacerbé les tensions entre les différentes communautés, Touareg et Arabes étant souvent assimilés par certains à des rebelles et jihadistes.

Élu le 11 août pour un mandat de cinq ans, le président Ibrahim Boubacar Keïta a fixé comme «priorité la plus pressante» de son quinquennat «la réconciliation nationale» lors de sa prestation de serment, le 4 septembre.

Mi-septembre, la rébellion touareg a menacé d'«anéantir» l'armée malienne après un accrochage entre les deux camps, qui a fait plusieurs morts, sans précision.