Les importants changements au sein du renseignement militaire et le remaniement profond du gouvernement en Algérie augurent d'une volonté du président Abdelaziz Bouteflika de se représenter en 2014 ou de prolonger son mandat de deux ans, ont estimé des responsables politiques et la presse.

Le nouveau chef du Front de libération nationale (FLN), Amar Saïdani, a ouvertement évoqué, pour la première fois, l'option d'une prolongation du mandat présidentiel en affirmant que le parti majoritaire est derrière le président «s'il veut prolonger son mandat ou se représenter».

«Le FLN doit être la locomotive des autres formations politiques qui apportent leur soutien au président», a précisé M. Saïdani au quotidien arabophone, Sawt El Ahrar, réputé proche du FLN dont M. Bouteflika est le président d'honneur.

M. Bouteflika, qui se remet difficilement d'un AVC l'ayant contraint à une hospitalisation entre le 27 avril et le 16 juillet en France, n'a pas encore indiqué s'il briguerait un nouveau mandat.

L'idée d'une rallonge de deux ans du mandat présidentiel a commencé à être évoquée ces deux dernières semaines par les journaux, selon lesquels une révision de Constitution en préparation prévoit le passage du quinquennat au septennat.

Mais l'intention prêtée au président Bouteflika de prolonger son mandat suscite de vives critiques au sein de l'opposition.

«À l'évidence il n'y aura pas d'élection présidentielle en 2014», a déclaré l'ancien ministre de la Communication dans le premier gouvernement de M. Bouteflika en 1999, Abdelaziz Rahabi.

Un éventuel report de l'élection présidentielle «épargnera au chef de l'État une campagne électorale qu'il ne peut pas mener en raison de son état de santé et lui permettra de s'offrir un sursis pour régler les problèmes de ses proches avec la justice», a estimé M. Rahabi, connu pour ses profondes divergences avec le chef de l'État.

L'ancien ministre faisait allusion notamment au mandat d'arrêt international lancé par la justice algérienne contre l'ex-ministre de l'Énergie Chakib Khelil, un proche de M. Bouteflika, dans le cadre d'une affaire de corruption.

Pour la presse, le remaniement ministériel d'une ampleur inédite et les changements au sein des services de renseignement de l'armée, considérés comme les réels détenteurs du pouvoir en Algérie, traduisent la volonté de M. Bouteflika de se représenter en 2014.

Selon Le Soir d'Algérie, journal proche de l'opposition qui cite l'entourage de M. Bouteflika, ce dernier aurait dit à M. Sellal et au vice-ministre de la Défense et chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah : «je vous informe que je vais me représenter et vous ordonne de commencer à préparer le terrain».

L'armée est sortie de sa réserve mercredi en affirmant dans un éditorial publié par sa revue El Djeïch que l'interprétation faite par les journaux des récentes décisions du chef de l'État était «sans fondement» et «participe d'une volonté de semer le trouble, de tromper l'opinion publique».

Le premier ministre Abdelamalek Sellal avait annoncé le 17 septembre que le rapport sur la révision de la Constitution avait été finalisé et remis à M. Bouteflika, sans fournir de précision sur les modifications constitutionnelles prévues.

Les partis d'opposition réclament notamment la limitation du nombre de mandats présidentiels, supprimée par une révision partielle de la Constitution en novembre 2008, avalisée par le Parlement, qui a permis à M. Bouteflika de briguer un troisième quinquennat en avril 2009. Le chef du Mouvement de la société de la paix (MSP, opposition islamiste) Abderezak Mokri a jugé «inimaginable» une éventuelle prolongation du mandat de M. Bouteflika.

Le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition laïque) Mohcine Bellabas réclame l'application de l'article 88 de la Constitution stipulant qu'en cas de «maladie grave et durable» du président, le Conseil constitutionnel propose à l'unanimité «au Parlement de déclarer l'état d'empêchement».

«Le président est malade (...) et ne peut plus assumer ses fonctions y compris celles protocolaires», a estimé M. Bellabas.

Néanmoins, la plupart des principaux partis politiques ne sont pas hostiles à une candidature de M. Bouteflika pour un quatrième mandat à la tête de l'État algérien si «son état de santé le permet».