Un tribunal ad hoc soutenu par l'ONU a confirmé jeudi en appel la condamnation à cinquante ans de prison de l'ex-président du Liberia Charles Taylor pour des crimes contre l'humanité commis lors de la guerre civile en Sierra Leone (1991-2002).

«La chambre d'appel est d'avis que la peine imposée en première instance est juste à la lumière de la totalité des crimes commis», a déclaré le juge George King lors d'une audience publique à Leidschendam, en banlieue de La Haye (Pays-Bas).

L'écrasante majorité des arguments de la défense et de l'accusation, qui avaient tous deux interjeté appel, a été rejetée par les juges.

Ce jugement rendu par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone marque la fin de cette procédure marathon qui dure depuis plus de sept ans contre l'ancien homme fort de l'Afrique de l'Ouest.

C'est également certainement le dernier jugement du TSSL, qui siège pour les autres procès à Freetown, en Sierra Leone : un seul suspect reste en fuite, mais des rumeurs, jamais vérifiées, ont annoncé son décès.

Le procès de Charles Taylor avait été délocalisé de Freetown à La Haye pour des raisons de sécurité.

La guerre en Sierra Leone est l'une des plus atroces de l'histoire africaine récente, avec 120 000 morts et des milliers de civils mutilés.

Charles Taylor, 65 ans, avait été reconnu coupable en avril 2012 d'avoir aidé et encouragé une campagne de terreur visant à obtenir le contrôle de la Sierra Leone. Sa peine avait ensuite été fixée à 50 ans de prison alors que l'accusation en réclamait 80.

Il avait, selon les juges, fourni armes, munitions, médicaments, cigarettes, alcool et autres aides logistiques aux rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) en échange de diamants.

Arrêté et transféré à La Haye en 2006, Charles a aidé à planifier «certains des crimes les plus haineux de l'histoire de l'humanité» sans pour autant avoir le contrôle direct des rebelles du RUF, avaient estimé les juges en première instance.

Les juges d'appel ont confirmé ce jugement : «le lien entre l'accusé et la commission des crimes est suffisant», a soutenu le juge King. Charles Taylor devrait être transféré dans une prison à l'étranger, déterminée par les juges, afin de purger sa peine.

Ce n'est pas un jour de fête

«Le jugement d'aujourd'hui confirme le rôle crucial de Charles Taylor dans la grande misère subie par le peuple de Sierra Leone», a salué la procureure Brenda Hollis lors d'une conférence de presse à l'issue du jugement.

Elle a toutefois nuancé : «il serait faux de dire qu'aujourd'hui est un jour de fête, à cause de l'horrible nature des crimes : c'est plutôt une journée pour la réflexion».

Memanatu Kumara, 28 ans, dont la main gauche a été coupée en 1999 par les rebelles du RUF lors du conflit sierraléonais, était présente jeudi à Leidschendam pour représenter les victimes, a salué le jugement : «c'est une très bonne décision, nous en sommes contents».

Souvent drogués, les rebelles se sont rendus tristement célèbres pour des meurtres, viols systématiques, enlèvements et amputations. Ils ont en outre kidnappé des milliers d'enfants, obligés de combattre dans leurs rangs.

«C'est un jour extrêmement décevant pour nous et nous sommes profondément déçus après ce jugement», a pour sa part assuré l'avocat de Charles Taylor, Morris Anyah : «nous étions prudemment optimistes en raison de la jurisprudence d'un tribunal situé à moins de 10 kilomètres de celui-ci».

Le juge King a en effet dit «ne pas être convaincu» par une récente décision controversée du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, qui siège à La Haye.

Le TPIY avait acquitté en appel l'ancien chef d'état-major de l'armée yougoslave Momcilo Perisic, les juges estimant qu'il n'avait pas eu le contrôle sur les crimes commis par ceux à qui ils fournissaient de l'aide.

Nombre d'observateurs craignaient que la décision du TPIY n'affecte le niveau de responsabilité requis pour obtenir une condamnation.

Le jugement en première instance était le premier rendu par la justice pénale internationale contre un ancien chef d'État depuis celui prononcé en 1946 par le tribunal militaire international de Nuremberg qui jugea 24 des principaux responsables nazis.

Le procès en première instance de Charles Taylor, terminé en mars 2011, avait notamment été marqué par le témoignage de l'ancien mannequin Naomi Campbell, qui avait dit avoir reçu des diamants bruts, selon elle, envoyés par Charles Taylor après un dîner organisé en 1997 en Afrique du Sud.