L'ancien président du Liberia Charles Taylor, condamné à 50 ans de prison en première instance pour crimes contre l'humanité, doit être définitivement fixé sur son sort jeudi quand les juges rendront leur décision dans son procès en appel.

Ce jugement, rendu par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), est l'ultime étape d'une affaire marathon qui dure depuis plus de sept ans contre l'ancien homme fort de l'Afrique de l'Ouest.

C'est également certainement le dernier jugement du tribunal : un seul suspect reste en fuite, mais des rumeurs, jamais vérifiées, ont annoncé son décès.

Les juges doivent déterminer une fois pour toutes la responsabilité de Charles Taylor dans la guerre civile en Sierra Leone, longue d'une décennie (mars 1991 - janvier 2002) et l'une des plus atroces de l'histoire récente en Afrique, avec 120 000 morts et des milliers de civils mutilés.

Charles Taylor, 65 ans, avait été reconnu coupable en avril 2012 d'avoir aidé et encouragé une campagne de terreur visant à obtenir le contrôle de la Sierra Leone en fournissant armes, munitions et autres aides logistiques au Front révolutionnaire uni (RUF) en échange de diamants.

Arrêté et transféré à La Haye en 2006 pour des raisons de sécurité, il avait ensuite été condamné en mai à 50 ans de prison pour avoir planifié «certains des crimes les plus haineux de l'histoire de l'humanité», selon les juges.

Il s'agissait du premier jugement rendu par la justice pénale internationale contre un ancien chef d'État depuis celui prononcé en 1946 par le tribunal militaire international de Nuremberg qui jugea 24 des principaux responsables nazis.

En Sierra Leone, la guerre civile a été marquée par les atrocités commises par les combattants, souvent drogués, contre la population civile et reste associée à des images insupportables d'enfants amputés.

Les rebelles se sont rendus tristement célèbres pour avoir commis des meurtres, des viols systématiques, des enlèvements, des amputations et pour avoir kidnappé des milliers d'enfants obligés de combattre dans leurs rangs.

Les juges du TSSL, installé à Leidschendam dans la banlieue de La Haye, avaient néanmoins estimé que Charles Taylor n'avait pas exercé de contrôle direct sur les rebelles.

Les avocats de M. Taylor, qui assure que les juges ont fait des «erreurs systématiques» et se sont basés sur des ouï-dire pour prendre leur décision, avaient interjeté appel. L'accusation, qui avait demandé 80 ans de prison, avait fait de même.

Selon des observateurs, le jugement en appel contre Charles Taylor pourrait être influencé par une récente décision, controversée, du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

L'ancien chef d'état-major de l'armée yougoslave Momcilo Perisic, condamné en première instance à 27 ans de prison notamment pour avoir «aidé et encouragé» l'armée des Serbes de Bosnie (VRS) à tuer et persécuter les musulmans de Bosnie, avait été innocenté en appel, les juges estimant qu'il n'avait pas eu le contrôle sur les crimes commis par ceux à qui ils fournissaient de l'aide.

Le procès en première instance de Charles Taylor, terminé en mars 2011, avait notamment été marqué par le témoignage de l'ancien mannequin Naomi Campbell, qui avait dit avoir reçu des diamants bruts, selon elle envoyés par Charles Taylor après un dîner organisé en 1997 en Afrique du Sud.

Si sa condamnation est confirmée, Charles Taylor devrait être transféré dans une prison à l'étranger, déterminée par les juges, afin de purger sa peine.

PHOTO AFP