Le président centrafricain Michel Djotodia a interdit mercredi aux combattants de son mouvement Séléka de participer aux opérations de maintien de l'ordre à Bangui, où la force africaine en Centrafrique (Misca) a pris position dans les quartiers nord pour neutraliser d'ex-rebelles qui y sèment la terreur.

«À compter d'aujourd'hui (mercredi), pour tout ce qui touche le maintien de l'ordre, le rétablissement de l'ordre, particulièrement dans la ville de Bangui, seules les forces de la police centrafricaine et de la gendarmerie nationale sont habilitées à intervenir», a déclaré à la radio nationale le ministre de la Sécurité Josué Binoua à l'issue d'un Conseil national de sécurité convoqué d'urgence par M. Djotodia, qui a renversé le régime de François Bozizé le 24 mars.

«Dans tous les pays modernes, la sécurité est assurée par la police et la gendarmerie. L'armée s'occupe de la défense du territoire», a-t-il ajouté pour justifier la mise à l'écart des combattants de l'ex-rébellion, accusés d'exactions contre la population.

Plus tôt mercredi, le président de transition avait ordonné «aux éléments de l'ex-Séléka se trouvant à Boy-Rabé (quartier du nord de Bangui) de regagner leur base et avait décidé de les remplacer par des forces régulières de la police, de la gendarmerie» et de la Misca, selon M. Binoua.

De nombreux habitants de Boy-Rabé - considéré comme un fief des partisans du général Bozizé - ont quitté leurs maisons dans la nuit de lundi à mardi pour fuir les tirs et les pillages commis par des combattants «incontrôlés», selon des témoignages. D'après une source hospitalière sous couvert d'anonymat, ces tirs ont fait deux morts et près d'une dizaine de blessés.

Mercredi matin, de nouveaux tirs ont été entendus dans le quartier voisin de Boeing, près de l'aéroport international. Près d'un millier d'habitants ont trouvé refuge sur la piste et s'y trouvaient toujours dans l'après-midi, selon une source proche de l'agence pour la sécurité de la navigation aérienne (Asecna).

Selon le ministre de la Sécurité, au total 300 hommes de la Misca, des policiers et des gendarmes centrafricains ont pris position à Boy-Rabé.

Depuis sa prise de pouvoir, Michel Djotodia ne cesse de proclamer sa volonté de caserner et désarmer les combattants de la coalition hétéroclite de mouvements rebelles et de groupes armés qu'il a fédérés autour de sa personne. En vain jusqu'à présent. Et les témoignages d'exactions dans la capitale et en province par des «éléments incontrôlés» ne cessent de s'accumuler.

«Au bord de la Somalisation»

La coalition Séléka compte environ 25 000 combattants, dont 20 000 ralliés «de la dernière heure» au moment de la prise de Bangui, selon des estimations du nouveau régime.

Nombre de ces hommes n'obéissent qu'à leurs chefs directs, qui se sont taillés des fiefs en province et à Bangui, comme ont pu le constater des journalistes de l'AFP.

Face à la faillite de l'État centrafricain, avec des administrations et des forces de sécurité totalement désorganisées, le président français François Hollande a jugé mardi qu'il était «plus que temps d'agir» dans un pays «au bord de la somalisation», en référence au chaos sanglant dans lequel a sombré la Somalie il y a plus de vingt ans.

«Le bilan est accablant. 60 000 enfants risquent de mourir de malnutrition. Un million et demi d'habitants sur 5 millions sont déplacés», a constaté M. Hollande, en demandant à l'ONU et à l'Union africaine de «se saisir de la situation».

«Nous travaillons à mettre en place les institutions» en Centrafrique, ont commenté le Commissaire adjoint à la Paix et la Sécurité de l'UA, El Ghassim Wane.

Mais la force africaine ne compte actuellement que 750 hommes - sur un total prévu de 3652 - en raison notamment de problèmes de financements. C'est bien peu pour sécuriser un pays de plus de 600 000 km2.

Le représentant spécial de l'ONU en République centrafricaine (RCA), le général sénégalais Babacar Gaye, a d'ailleurs estimé le 14 août que 3600 hommes ne «seront pas suffisants si on veut tenir le terrain».

De son côté, la France - ex-puissance coloniale - a 400 soldats positionnés à l'aéroport de Bangui, mais «leur mission principale est d'assurer la sécurité des ressortissants français établis dans le pays», insiste Paris.