Morgan Tsvangirai, candidat malheureux à l'élection présidentielle du 31 juillet au Zimbabwe, a renoncé vendredi à porter en justice les fraudes électorales massives qu'il dénonce, ouvrant définitivement la voie à l'exercice d'un nouveau mandat du président Robert Mugabe, réélu à 89 ans.

M. Mugabe, au pouvoir sans discontinuer depuis 33 ans, a été réélu au premier tour avec 61% des voix, contre 34% à M. Tsvangirai. Son parti a en outre remporté plus des deux tiers des sièges au parlement.

«Le premier ministre (Tsvangirai) a retiré sa plainte», a déclaré Douglas Mwonzora, porte-parole du MDC (Mouvement pour un changement démocratique), le parti de M. Tsvangirai. «La raison principale est que le procès allait être une parodie de justice».

Le MDC n'a notamment pas obtenu de la Commission électorale d'importants documents qui lui aurait permis d'étayer sa plainte et de prouver les fraudes.

Battu dans les urnes, M. Tsvangirai s'était promis d'explorer toutes les voies légales pour faire reconnaître les manipulations massives des listes électorales, dénoncées par son parti et par des observateurs locaux.

Mais lundi, Robert Mugabe avait conseillé à ceux qui contestent sa victoire d'«aller se faire pendre», ajoutant du ton assuré dont il est coutumier: «Nous ne reviendrons jamais sur notre victoire».

Face à ce qu'il considère comme la machine du pouvoir en marche contre lui, M. Tsvangirai abandonne donc également l'idée de contester par la voie juridique la victoire du vieux président Mugabe, au pouvoir depuis l'indépendance de cette ex-colonie britannique.

Les pays occidentaux, qui n'avaient pas pu envoyer d'observateurs, ont crié à la fraude, ainsi que le Botswana, seul pays africain à donner de la voix. Le président sud-africain Jacob Zuma a en revanche chaudement félicité M. Mugabe.

L'Union africaine et la SADC, l'organisation régionale d'Afrique australe, qui avaient envoyé des observateurs sur place, ont validé l'élection. Un sommet des chefs d'État de la SADC est convoqué samedi et dimanche au Malawi, et pourrait définitivement apporter à Robert Mugabe la caution de ses pairs.

Ce scrutin devait mettre fin à une cohabitation contre nature entre les deux hommes, M. Tsvangirai étant le premier ministre du président Mugabe depuis 2009. Ce gouvernement dit «d'union nationale» avait été imposé par la communauté internationale à la suite des élections de 2008.

À l'époque, M. Tsvangirai était arrivé en tête au premier tour de la présidentielle, sans atteindre la barre des 50%. Entre les deux tours, les partisans du président avaient déclenché une campagne de terreur qui avait fait près de 200 morts parmi les partisans de Tsvangirai.

Ce dernier avait finalement retiré sa candidature pour éviter une guerre civile, abandonnant sans combattre la victoire au chef de l'État.

Après cette nouvelle défaite, Morgan Tsvangirai a estimé que les élections du 31 juillet étaient «une énorme farce» et a exigé une vérification par la justice des listes électorales, des bulletins de vote et des certificats d'inscription des électeurs.

Les listes électorales n'ont été rendues publiques qu'à la veille du scrutin, ce qui a rendu impossible toute vérification ou tout recours.

Or, le MDC affirme avoir des preuves de doubles ou triples inscriptions sur les registres. Par ailleurs, de nombreux électeurs n'ont pas pu voter faute de trouver leur nom sur les registres, d'autres ne se sont pas rendus dans le bon bureau de vote, d'autres encore n'avaient pas les documents d'identité requis.

Le Zimbabwe Election Support Network, un organisme indépendant de contrôle du scrutin, a par exemple évoqué «un effort systématique pour priver un million de personnes de leur droit de vote». Il estime que plus de 750 000 électeurs étaient absents des listes électorales dans les villes, bastions de M. Tsvangirai.

Selon la Cour électorale, près de 305 000 personnes ont été empêchées de voter. Près de 3,5 millions de personnes ont accompli leur devoir électoral sur environ 6,4 millions d'électeurs inscrits.

Dans les documents judiciaires consultés par l'AFP, le MDC affirmait également qu'une société israélienne a été payée 10,5 millions de dollars pour manipuler les listes électorales.