Le futur président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, va devoir s'atteler à relever et réconcilier un pays meurtri et divisé par 18 mois de crise politico-militaire, mais il est déjà assuré du soutien de la France, qui l'a félicité.

L'ex-ministre malien des Finances Soumaïla Cissé, son adversaire au second tour de l'élection présidentielle organisé dimanche, a créé la surprise en reconnaissant lundi soir la victoire de M. Keïta, 68 ans et ancien Premier ministre, sans attendre la publication des résultats provisoires et officiels attendus d'ici à vendredi.

Le président français François Hollande, dont le pays et son armée ont largement contribué à libérer le nord du Mali de l'occupation islamiste, ainsi que son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius ont félicité M. Keïta pour sa victoire.

M. Hollande, qui s'est entretenu par téléphone avec lui a assuré «que la France resterait au côté du Mali», selon un communiqué de la présidence française.

D'après son entourage, il ira au Mali pour l'investiture de M. Keïta prévue en septembre, plus de sept mois après sa première visite en tant que chef de l'État dans ce pays qui, selon Laurent Fabius, a réussi avec cette présidentielle «à la fois un tour de force et un tour de paix».

IBK a également reçu les félicitations du secrétaire britannique d'État britannique chargé de l'Afrique, Mark Simmonds, qui l'a exhorté à plus de progrès politiques, «particulièrement sur le dialogue et la réconciliation».

Lundi soir, Soumaïla Cissé est allé au domicile de M. Keïta à Bamako pour «le féliciter et lui souhaiter bonne chance pour le Mali,» avait-il expliqué à l'AFP juste après la rencontre.

Mardi, il a affirmé devant la presse qu'«au regard de la fragilité du pays», il n'introduirait «aucune requête» auprès de la Cour constitutionnelle pour contester le résultat du scrutin.

Il a prôné «un comportement vertueux» pour «une vraie réconciliation dans les coeurs et les esprits» et affirmé qu'en rencontrant IBK, il n'était pas allé «chercher une place».

Le camp du vainqueur n'avait pas encore réagi mardi matin au geste de M. Cissé.

«Processus électoral bien organisé»

Le chef des observateurs électoraux de l'Union européenne (UE) pour la présidentielle malienne, Louis Michel, a fait état mardi à Bamako d'un «processus électoral bien organisé et qui s'est largement amélioré au second tour», deux semaines après le premier (28 juillet).

«C'est une avancée démocratique considérable. (...) Avoir été capable d'organiser en si peu de temps des élections dans un climat difficile, dans un contexte délicat et d'incertitudes pour une population qui avait été traumatisée par un coup d'État, signifie que les citoyens se sont bien rendu compte qu'ils avaient frôlé le pire dans ce pays», a dit M. Michel.

Le Mali a été divisé et traumatisé par une profonde crise politique et militaire qui avait débuté en janvier 2012 par une offensive de rebelles touareg dans le nord du pays, supplanté rapidement par des groupes criminels et islamistes armés liés à Al-Qaïda pour le contrôle de cette région, à la suite d'un coup d'État militaire qui, le 22 mars 2012, a renversé le régime du président Amadou Toumani Touré.

Les jihadistes ont laminé la rébellion touareg et l'armée malienne, commis d'innombrables exactions, avant d'être en grande partie chassés par l'intervention militaire franco-africaine toujours en cours.

Le conflit a plongé en 18 mois le Mali dans la récession, accentué la pauvreté, ravivé les tensions entre communautés touareg, arabes et noires, et provoqué un exode d'environ 500 000 déplacés internes et réfugiés.

Après son investiture officielle, Ibrahim Boubacar Keïta va devoir très rapidement prendre des mesures concrètes pour redonner confiance aux Maliens.

Il souhaite mettre en place un gouvernement de large union pour faire face à ces immenses défis. À plusieurs reprises, il a indiqué que sa première tâche serait «la réconciliation», en particulier avec la minorité touareg qui se sent marginalisée.

Un accord intérimaire signé le 18 juin à Ouagadougou entre des représentants du régime malien de transition et les rebelles touareg prévoit l'ouverture de «pourparlers de paix» dans les 60 jours suivant la mise en place du nouveau gouvernement.

Vivant essentiellement dans le nord qu'elle appelle l'Azawad, la communauté touareg - quelques centaines de milliers de personnes sur une population totale de 14 millions d'habitants - s'estime mise volontairement à l'écart du développement du reste du Mali. Le pays a déjà vécu plusieurs rébellions touareg depuis son indépendance en 1960.

Le nouveau président pourra compter sur l'appui de la communauté internationale qui a promis une aide massive de 3,2 milliards d'euros au Mali.