Les Maliens, impatients de sortir de la crise de 18 mois que vient de traverser leur pays, attendaient lundi de savoir qui, d'Ibrahim Boubacar Keïta ou de Soumaïla Cissé gagnerait le second tour de la présidentielle qui s'est déroulée sans incident dimanche.

Le ministère de l'Administration territoriale (Intérieur) a cinq jours à compter de la date du scrutin pour publier les résultats provisoires, mais le processus devrait être plus rapide qu'au premier tour du 28 juillet, puisque seuls deux candidats étaient en lice, contre 27 il y a deux semaines.

Des estimations non officielles, établies de sources sécuritaires maliennes, donnaient Ibrahim Boubacar Keita largement en tête.

Mais Gouagnon Coulibaly, directeur de campagne de Soumaïla Cissé, a dénoncé des «fraudes massives» et accusé l'administration du régime de transition d'être «partisane».

Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK, 68 ans, et Soumaïla Cissé, 63 ans, deux vétérans de la vie politique malienne qui ont occupé de hautes fonctions - le premier comme premier ministre, le second comme ministre des Finances - ont appelé dimanche leurs partisans au «calme et à la sérénité».

De fait, contrairement au soir du premier tour où les partisans d'IBK s'étaient rassemblés bruyamment à Bamako pour crier un peu trop vite victoire, aucune manifestation ne s'est déroulée dimanche soir dans la capitale malienne.

À l'issue du premier tour, Ibrahim Boubacar Keïta a obtenu 39,79% des voix, contre 19,70% à son adversaire et partait largement favori au second tour. Il a obtenu le ralliement de 22 des 25 candidats éliminés, dont la majorité avait obtenu moins de 1% des suffrages.

Mais Soumaïla Cissé partait du principe que ce second tour était «une nouvelle élection» et comptait, pour rattraper son retard, sur une partie des quelque 400 000 bulletins déclarés nuls au premier tour et sur une mobilisation plus forte encore que celle du 28 juillet. Le taux de participation avait été ce jour-là de 48,98%, un taux exceptionnel pour ce type de scrutin au Mali.

À Bamako, ainsi que dans d'autres grandes villes du Sud, le vote a été perturbé par de fortes pluies pendant une partie de la journée, et des responsables de bureaux de vote ont noté une participation moins forte qu'au premier tour.

Selon des observateurs maliens indépendants, le taux est effectivement en baisse par rapport au premier tour, «à environ 45%».

«Rien de douteux»

En outre, de nombreux électeurs semblent avoir considéré que les jeux étant déjà faits en faveur d'IBK, il n'était pas nécessaire d'aller voter, selon des observateurs.

En dépit de la menace d'attentats de groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda, qui avaient occupé le nord du Mali pendant neuf mois en 2012, le vote s'est déroulé sans incident majeur dans cette région.

Selon Louis Michel, chef de la mission d'observation de l'Union européenne qui a lui-même surveillé le scrutin dans plusieurs bureaux de vote de Bamako, «il n'y a absolument rien de douteux ou de suspect à signaler, ça s'est déroulé dans de bonnes conditions, dans un climat serein, calme».

«Celui qui sera élu sera élu avec la légitimité démocratique, c'est ma conviction», a-t-il ajouté.

Dans son rapport préliminaire publié lundi, la mission de l'UE évalue «positivement (...)  les opérations de vote à hauteur de 99%» des bureaux observés.

Elle estime que la présidentielle malienne est conforme aux «normes internationales pour l'organisation d'élections démocratiques».

Le vainqueur aura la très lourde tâche de redresser et de réconcilier un pays traumatisé et affaibli par dix-huit mois d'une profonde crise politique et militaire qui avait débuté en janvier 2012 par une offensive de rebelles touareg dans le Nord.

Un coup d'État militaire le 22 mars 2012 avait précipité la chute du nord du Mali aux mains de groupes jihadistes et criminels, qui ont laminé la rébellion touareg et l'armée malienne, commis d'innombrables exactions, avant d'être en grande partie chassés par l'intervention militaire franco-africaine toujours en cours.

Ce conflit a plongé le Mali dans la récession, accentué la pauvreté, ravivé les tensions entre communautés touareg, arabes et noires, et provoqué un exode de population, environ 500.000 déplacés internes et réfugiés.

Ce sont les soldats français et ceux de la mission de stabilisation de l'ONU au Mali (Minusma) qui, en appui de l'armée malienne se remettant lentement de sa lourde défaite en 2012, ont assuré avec succès la sécurité des deux tours de la présidentielle.