La justice tunisienne a ordonné jeudi la remise en liberté de Amina Sbouï, militante du groupe Femen détenue depuis la mi-mai, une affaire devenue un symbole pour les détracteurs des islamistes au pouvoir en Tunisie.

«C'est une grande surprise, la chambre d'accusation de Sousse a ordonné la remise en liberté», a déclaré l'avocat de la jeune femme, Me Halim Meddeb.

«Elle sera libre dans quelques heures», a dit aussi Me Meddeb, dont la cliente est détenue dans une prison pour femmes non loin de Sousse, à 140 km au sud de Tunis.

Amina Sbouï, 18 ans, reste cependant inculpée pour avoir peint le mot «Femen» sur le muret d'un cimetière de Kairouan (150 km au sud de Tunis) dans le but de dénoncer un rassemblement d'un mouvement salafiste interdit par les autorités. La date de son procès n'a pas encore été fixée, alors que la profanation de sépulture est passible de deux ans de prison ferme en Tunisie.

La justice avait déjà abandonné ces dernières semaines des poursuites à l'encontre d'Amina, pour outrage à des gardiennes de prison et atteinte à la pudeur.

«C'est un soulagement, cela prouve qu'une partie de la justice tunisienne au moins est indépendante», a réagi un autre avocat de la jeune militante, Me Ghazi Mrabet.

La lycéenne, qui avait fait scandale en mars pour avoir publié sur internet des photos seins nus à la manière des Femen sous le pseudonyme d'Amina Tyler, a été arrêtée le 19 mai lors de son action de protestation à Kairouan.

Elle avait présenté cette manifestation comme sa dernière action militante en Tunisie avant de rejoindre la France pour reprendre ses études, estimant que sa sécurité n'était pas garantie dans son pays.

La mère d'Amina, que la jeune fille a accusé de l'avoir séquestré après la publication des clichés dénudés, a exprimé à l'AFP sa joie de voir sa fille libérée.

«Je suis heureuse, je vais tenir enfin ma fille entre mes bras, la justice a montré qu'elle était indépendante», a-t-elle dit.

Le placement en détention d'Amina avait déclenché un vaste mouvement de solidarité en Tunisie comme à l'étranger, ONG, opposants et militants des droits de l'Homme voyant dans son arrestation une preuve du puritanisme que les islamistes d'Ennahda, qui dirigent le gouvernement, veulent imposer à la Tunisie.

Trois militantes Femen européennes avaient en outre été incarcérées en Tunisie pendant plusieurs semaines en juin pour avoir mené une action seins nus à Tunis, la première dans le monde arabe, pour soutenir la jeune femme et dénoncer les atteintes aux droits des femmes. Elles ont finalement été expulsées du pays après avoir été condamné à de la prison avec sursis.

L'opposition laïque accuse régulièrement le gouvernement dirigé par Ennahda de chercher à juguler la liberté d'expression et de viser à revenir sur les acquis des Tunisiennes.

A l'inverse, les autorités, Ennahda en tête, se sont toujours défendues de vouloir revenir sur les acquis des femmes en Tunisie, qui bénéficient de la législation la plus libérale du monde arabe sans pour autant que l'égalité des sexes soit garantie.

Et la dernière ébauche du projet de Constitution, dont l'adoption est paralysée par une profonde crise politique déclenchée par l'assassinat d'un opposant la semaine dernière, stipule que «tous les citoyens et citoyennes ont les mêmes droits et devoirs» et que l'État protège «les droits de la femme et soutient ses acquis».

Cette formule semble pour le moment faire consensus. Elle a été négociée après qu'Ennahda a fait scandale en 2012 on voulant introduire la notion de «complémentarité» des sexes dans la loi fondamentale.