Les premiers résultats des élections générales au Zimbabwe ont commencé à tomber jeudi soir, donnant une longueur d'avance au président sortant Robert Mugabe qui se voit déjà réélu à 89 ans, son adversaire dénonçant une «énorme farce».

«Nous avons gagné dans un fauteuil. Nous avons vaincu le MDC», le parti du premier ministre Morgan Tsvangirai, a indiqué à l'AFP un haut responsable du parti présidentiel Zanu-PF, à l'origine en 2008 d'un déchaînement de violences contre les partisans de l'opposition.

Cette victoire «concerne tout, les élections présidentielles, législatives et municipales», a-t-il précisé, plusieurs heures avant que la commission électorale (ZEC) ne commence à divulguer les scores officiels.

Un décompte officiel portant sur 62 des 210 circonscriptions a donné 52 sièges parlementaires à la Zanu-PF.

Le MDC de Morgan Tsvangirai s'acheminait ainsi vers une défaite écrasante signant pratiquement, si elle se confirme, son arrêt de mort politique, avec la Zanu-PF potentiellement en position de réécrire la nouvelle Constitution à peine adoptée.

Le résultat officiel du premier tour de la présidentielle n'était pas attendu avant lundi. Mais selon un responsable MDC basé à Johannesburg, Roy Bennett, le président Mugabe va vouloir prêter serment «le plus vite possible, peut-être dès vendredi matin».

Ce sera «la sortie de route» pour M. Tsvangirai et son parti si celui-ci n'intervient pas et si la population n'est pas conduite «vers la prochaine étape», a-t-il ajouté à l'AFP.

«C'est incroyable, c'est un vol dans les plus grandes largeurs», a-t-il dit, appelant à la résistance. «Je parle de résistance passive (...) qui ne mette pas la vie des gens en danger», a-t-il précisé, sans parler de grève générale.

En 2008, M. Tsvangirai était arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, mais le camp de Mugabe avait résisté avec violence, faisant environ 200 morts parmi ses militants. Le choix de M. Tsvangirai de ne pas s'engager dans une escalade de la violence et de retirer sa candidature au deuxième tour lui avait valu d'être pressenti pour le prix Nobel de la paix, mais aussi d'être accusé d'être trop passif.

Jeudi, il a attaqué «une énorme farce», critiquant une «élection factice qui ne reflète pas la volonté du peuple» à cause des manipulations du camp Mugabe, lors d'une conférence de presse.

«À notre avis, ce scrutin ne répond pas aux normes de la SADC (Communauté économique d'Afrique australe, ndlr), de l'UA (Union africaine) et de la communauté internationale pour une élection crédible, légitime, libre et honnête», a-t-il dit, car «sa crédibilité a été entachée par des violations administratives et juridiques qui affectent la légitimité du résultat».

Ses chances de recours sont cependant minces avec un appareil judiciaire inféodé à M. Mugabe et des observateurs africains donnant priorité à la stabilité régionale et à l'absence de violences.

Le gouvernement du Botswana, dans un communiqué jeudi, a admis que le scrutin était «loin de correspondre à ce qui se fait de mieux pour tenir une élection crédible en démocratie». «Reste à savoir si ces problèmes vont affecter le résultat final», a-t-il ajouté.

Les observateurs de l'UA ont salué dès mercredi soir un scrutin de «libre et honnête». Ceux de la SADC se prononceront vendredi midi.

La SADC était intervenue en 2008 pour éviter la guerre civile. Elle avait imposé à M. Mugabe de former un gouvernement d'union nationale avec son rival et de faire des réformes, restées largement lettre morte, malgré la présence de M. Tsvangirai pendant quatre ans au gouvernement comme premier ministre.

Le répit a permis un redressement économique et l'adoption d'une nouvelle Constitution. Mais les nouvelles élections générales ont été précipitées par le camp Mugabe.

Résultat, les listes électorales n'ont été rendues publiques que moins de vingt-quatre heures avant le scrutin, rendant impossible toute vérification sérieuse, et a fortiori tout recours.

«Quel que soit le résultat, la crédibilité des élections (...) est sérieusement compromise par un effort systématique visant à priver les électeurs urbains de leurs droits électoraux», a estimé l'ONG Zimbabwe Election Support Network (ZESN), forte de 7000 observateurs.

L'organisation catholique sud-africaine Denis Hurley Peace Institute a aussi affirmé que la participation avait été de seulement 32% dans la deuxième ville du pays, Bulawayo.

À Washington, le département d'État américain a salué la journée pacifique de mercredi, sans s'avancer sur le caractère équitable des élections.

M. Mugabe est au pouvoir depuis l'indépendance en 1980. Père de l'indépendance au discours anti-occidental --et plus largement anti-blanc--, il est encore considéré comme un héros parmi l'électorat rural et âgé. Il est en outre à la tête de tout un système qui domine le pays, des forces armées aux médias en passant par les mines de diamants.

PHOTO PHILIMON BULAWAYO, REUTERS

Le premier ministre zimbabwéen Morgan Tsvangirai.