L'armée congolaise est parvenue ces dernières semaines à marquer des points contre les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) dans l'Est de la République démocratique du Congo, grâce à une meilleure gestion de sa logistique et à un affaiblissement général de la rébellion.

Dernier épisode de l'interminable chronique des violences dans la province instable du Nord-Kivu, les FARDC (armée régulière) et le M23 se sont une nouvelle fois affrontés à la mi-juillet aux portes de Goma, la capitale provinciale.

Une fois n'est pas coutume, les militaires loyalistes, réputés indisciplinés et peu efficaces, ont pourtant réagi avec «promptitude et fermeté», s'emparant de la localité de Kanyaruchina et de toute la région de Mutaho, selon la Mission de l'ONU pour la stabilisation de la RDC (Monusco).

Cette conquête inattendue a eu un «effet psychologique dévastateur» sur le moral du M23, selon la mission onusienne.

Pour le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, cette victoire a été rendue possible parce que Kinshasa a répondu à toutes les demandes des militaires: «équipements, rémunérations, ravitaillement, santé, évacuation des blessés», a expliqué M. Mende à radio Okapi (parrainée par l'ONU).

«On est mieux ravitaillé, mieux organisé, et mieux motivé. On a tiré les leçons de la prise de Goma et on essaie de combattre le mal à la racine pour éviter une autre humiliation», confirme le lieutenant-colonel Olivier Hamuli, porte-parole de l'armée au Nord-Kivu.

Pour les FARDC, la prise de Goma fin 2012 par le M23 fut en effet un échec cuisant, la dernière humiliation d'une armée trop souvent défaite ces dix dernières années, dont les soldats en déroute se transforment alors inévitablement en bandes de pillards.

Quand le M23 lance son offensive éclair sur Goma, l'armée gouvernementale, impuissante, prend la fuite. Le 20 novembre, les rebelles entrent dans Goma, sous le regard passif des Casques bleus de la Monusco, restés l'arme au pied.

Les rebelles évacuent la ville onze jours plus tard sous la pression internationale et contre la promesse d'un dialogue avec Kinshasa. Les négociations ont débuté décembre à Kampala, la capitale de l'Ouganda, mais restent depuis lors au point mort.

La défense, une «priorité nationale»

Pour le président congolais Joseph Kabila, il s'agit -comme il a lui-même annoncé- de jouer sur trois tableaux pour résoudre la crise au Nord-Kivu: diplomatique, politique et militaire.

Fin décembre, il affirme que la «priorité» du pays sera désormais «la défense (...) avec une armée dissuasive, une armée nationale, apolitique et professionnelle».

Car, l'armée -100 000 hommes, dont de nombreux ex-rebelles- est confrontée depuis des années à des problèmes chroniques de mauvais équipements, de sous-approvisionnements, de démotivation, de corruption ou de violences sur les civils.

Cette nouvelle politique semble aujourd'hui porter ses fruits. La «meilleure performance» des FARDC s'explique par «le changement de commandement, le remplacement de certaines unités» peu fiables car composées d'anciens rebelles et «la réduction des détournements de fonds», constate Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique Centrale de l'International Crisis Group.

Des nouvelles unités commandos ont également été déployées avec à leur tête un colonel non originaire du Kivu, Mamadou Ndala, précise Fidèle Bafilemba, analyste pour l'ONG américaine Enough Project.

Ce colonel est considéré comme un héros, à tel point qu'une marche a été organisée la semaine dernière à Goma suite à une fausse rumeur évoquant un possible rappel de l'officier...

Si le nombre exact des combattants du M23 reste flou, le groupe rebelle souffre de son côté d'un «affaiblissement interne (...) après la violente lutte de pouvoir entre Bosco Ntaganda et Makenga Sultani», deux de ses chefs militaires emblématiques, rappelle M. Vircoulon.

Fin février, défaits par la faction rivale de Makenga, quelque 700 éléments de l'aile pro-Ntaganda s'étaient réfugiés au Rwanda voisin.

Alors que la rébellion du M23 rencontre des difficultés pour maintenir ses effectifs, elle est également aux prises avec des milices hutu, notent les observateurs.

Des experts de l'ONU ont accusé le Rwanda et l'Ouganda, qui réfutent, de soutenir en hommes, armes et munitions le M23. Mais depuis plusieurs mois la pression internationale s'est fortement accentuée pour que cesse tout appui aux rebelles.

Conséquence: selon des experts de l'ONU, l'aide de Kigali au M23 aurait chuté ces derniers mois. Elle se poursuivrait néanmoins, affirme aujourd'hui HRW, ce que le Rwanda a démenti.

Autre menace pour le M23: la brigade d'intervention de l'ONU, dont le déploiement sera bientôt achevé, et chargée de combattre les dizaines de groupes armés de l'Est de la RDC. Elle comptera à terme 3.069 militaires Sud-Africains, Tanzaniens et Malawites, au mandat bien plus offensif que les Casques bleus de la Monusco, et qui constituent une menace directe pour le M23.

Pour l'heure, les combats marquent une relative accalmie. Mais tandis que le M23 appelle au dialogue, certains officiers des FARDC veulent pousser l'avantage et éviter une trop longue trêve qui donnerait un répit inespéré aux rebelles en posture délicate.