Le président controversé du Zimbabwe, Robert Mugabe, qui est au pouvoir depuis 33 ans, brigue un nouveau mandat à l'élection prévue le 31 juillet.

Les opposants du chef d'État de 89 ans, qui espèrent depuis longtemps son «chant du cygne», craignent que des fraudes électorales lui permettent de se maintenir encore une fois au pouvoir.

Les inquiétudes fusent d'ores et déjà quant à la légitimité du scrutin à venir. Amnistie internationale a notamment dénoncé que «la police multiplie les manoeuvres d'intimidation» auprès des électeurs.

Cette semaine, l'Election Resource Center (ERC), un organisme de surveillance électorale, a déploré que moins de 10% des personnes autorisées à voter par anticipation aient pu exercer leur droit.

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) s'est quant à elle dite «inquiète» de la tenue du scrutin à la fin de juillet, estimant que le pays n'est «pas prêt à garantir des élections libres et démocratiques».

Pour leur part, des pays voisins du Zimbabwe ont exigé des garanties quant au déroulement et à la surveillance de l'élection. Cette demande a reçu l'appui du président américain Barack Obama, qui souhaite assurer un «scrutin libre et équitable».

Rebuffade de Mugabe

Le président zimbabwéen a toutefois rejeté catégoriquement ces demandes, accusant les États-Unis «de mettre leur nez rose» dans les affaires du pays.

Ce n'est pas la première fois que le scénario se produit. «Le déroulement des élections au Zimbabwe suscite de sérieuses inquiétudes, et ce, depuis plusieurs années», explique Mamoudou Gazibo, professeur de sciences politiques à l'Université de Montréal spécialisé dans le processus de démocratisation en Afrique.

«Mugabe a d'abord fait de grandes choses pour le Zimbabwe, mais il a éventuellement commencé à recourir à la violence et à s'accrocher au pouvoir», note le professeur.

Lors de l'élection de 2008, l'actuel rival de Mugabe, Morgan Tsvangirai, était arrivé en tête. Devant les violences faites à ses partisans, il avait cependant dû céder la place.

Selon Amnistie internationale, «au moins 200 personnes avaient été tuées et des milliers, torturées et frappées».

Pour mettre un terme à ce massacre, des pays voisins au Zimbabwe avaient contraint Mugabe à former un gouvernement d'union avec Morgan Tsvangirai. Les élections de 1996 et de 2002 avaient également été sévèrement critiquées.

«Avec Robert Mugabe, je ne vois malheureusement pas comment les élections de 2013 pourraient bien se terminer», dit en soupirant M. Gazibo.

Une autre défaite évoquée

Depuis le début de la campagne électorale, des acteurs du monde politique - incluant d'anciens membres de sa garde rapprochée - ont prédit la défaite de Mugabe. Ceux-ci estiment que sa base n'a jamais été aussi faible. D'autres prédisent que la multiplication des fuites et des révélations au sujet de son régime, notamment par l'entremise des réseaux sociaux, pourraient avoir raison du président. L'arrivée d'une nouvelle station de télévision privée indépendante pourrait aussi changer la donne lors de l'élection, les autres médias étant ouvertement pour le président.

Le professeur Gazibo estime que «Camarade Bob», comme il est parfois désigné, peut malgré tout se faire réélire une fois de plus. Même s'il paraît frêle et vieillissant, le politicien continue d'exploiter efficacement son aura et son passé de «guérillero». «Mugabe se montre en héros, en sauveur, mentionne le chercheur. Il instrumentalise le passé du Zimbabwe, il ne faut pas sous-estimer la portée de ce type de discours anticolonialiste.»

Morgan Tsvangirai lui-même n'est pas des plus optimistes quant aux résultats de cette élection. «Avant même qu'elles ne soient commencées, nous avons vu un effort concerté de voler la légitimité de ces élections», a déploré ce dernier devant ces partisans, ajoutant qu'il espère que le peuple du Zimbabwe fera «la bonne chose».

LE ZIMBABWE EN CHIFFRES

13,72 MILLIONS

Nombre d'habitants

51 ANS

Espérance de vie

90 %

Taux de chômage

Qui est Robert Mugabe?

Né en 1924, Robert Gabriel Mugabe est d'abord considéré comme un héros de la lutte anticolonialiste. Il devient le premier ministre noir du pays en 1980, année où l'indépendance du Zimbabwe est proclamée. L'économie du pays croît jusque dans les années 90. Son régime autoritaire fait des milliers de victimes et lui vaut d'être progressivement isolé sur la scène internationale. La situation économique et les condition de vie n'ont depuis cessé de se détériorer.

Sources : Amnistie internationale, Banque mondiale, AFP, Reporters sans frontières