La mission de l'ONU et de l'Union africaine au Darfour (MINUAD) ne pourra pas contrer les rebelles qui refusent les accords de paix sans «mandat clair», estime son nouveau chef Mohamed Ibn Chambas, déplorant le manque de moyens mis à sa disposition.

La MINUAD est, avec près de 20 000 hommes, l'une des missions de maintien de la paix les mieux dotées au monde, mais elle a récemment vu ses moyens fondre et a été accusée de ne pas être suffisamment offensive, manquant ainsi à sa mission de protection des civils.

Créée en 2007 sur la base du chapitre VII de la charte de l'ONU qui autorise l'usage de la force armée, elle n'en a cependant pas les moyens selon M. Ibn Chambas car il «n'y a pas de consensus sur le fait de mener nos opérations de cette manière».

«Selon le chapitre VII, vous devez avoir des forces prêtes à combattre, avec le soutien d'hélicoptères», détaille le chef de mission, dans son bureau du siège de la Minuad.

Pour ce Ghanéen nommé chef de la MINUAD début avril, un «mandat clair» serait aussi nécessaire pour contrer le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM) et l'Armée de libération du Soudan (ALS), deux mouvements rebelles qui ont rejeté l'accord de paix négocié en 2011 à Doha (Qatar) et appuyé par la communauté internationale.

Les deux factions, mais aussi de nombreuses personnalités à l'instar d'Eltigani Seisi, un des principaux leaders au Darfour, dénoncent l'incapacité de la MINUAD à protéger la population.

Les violences au Darfour ont poussé 300 000 personnes à fuir la région cette année, s'ajoutant aux 1,4 million de déplacés que compte déjà la région. Au cours de l'année écoulée, le nombre de déplacés a été plus important que lors des deux années précédentes réunies.

«Faire plus avec moins de moyens»

Parallèlement à cette augmentation, les budgets de l'aide humanitaire «ont fondu» et les forces de la MINUAD ont été réduites avec la suppression de 5000 postes l'année dernière, note M. Ibn Chambas.

De ce fait, «nous devons faire plus avec moins de moyens», déplore-t-il, alors que les conditions de sécurité se sont récemment détériorées au Darfour après la mort de deux chefs du JEM qui avaient signé un accord de paix avec Khartoum en avril avant d'être assassinés par des membres de leur groupe pour dissidence.

Et outre la «montée de violence» entre rebelles et forces régulières, note l'ancien président de la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest), les forces de sécurité sont accusées par plusieurs chefs tribaux, personnels de l'ONU et militants des droits de l'Homme d'être impliquées dans des conflits tribaux.

«Dans ce type de conflits, si les forces gouvernementales sont impliquées, est-ce sur la base d'ordres hiérarchiques ou par solidarité ethnique?», s'interroge M. Ibn Chambas.

En 2003, des tribus locales au Darfour se sont soulevées contre Khartoum pour dénoncer la domination économique et politique des élites arabes, déclenchant un conflit long et dévastateur qui a fait au moins 300 000 morts selon l'ONU.

Dans l'immédiat, insiste-t-il, la priorité doit donc être de garantir les négociations de paix qui doivent mettre fin à dix ans de rébellion dans la région.

«L'accent est toujours porté sur la négociation et le dialogue avec pour objectif un accord de paix complet qui englobe toutes les facettes du problème», explique-t-il.

«Les dix années d'expérience que nous avons derrière nous ont montré que la lutte armée n'a pas apporté les résultats espérés», conclut le chef de la MINUAD.

«Au contraire, elle rend les choses plus difficiles et plus dures à vivre pour la population du Darfour».