L'armée soudanaise a brûlé et tué des civils, adoptant une stratégie de la « brûlée pour lutter contre la rébellion au Nil bleu, dans le district natal d'un chef rebelle, a déploré mardi Amnesty international.

Des images satellitaires ont confirmé que des attaques ont visé dans la première moitié de 2012 le district des Monts Ingessana, au Nil Bleu, où est né le dirigeant de la rébellion Malik Agar, a indiqué l'organisation de défense des droits de l'Homme dans un rapport de 74 pages.

L'armée soudanaise nie avoir mené de telles attaques, et dénonce des accusations montées de toute pièces.

Ces attaques ont eu lieu dans le cadre de ce qui semblait être «une tentative concertée» de faire fuir les civils des zones tenues par le SPLM-N d'Agar, et de punir les habitants, considérés comme partisans de ces rebelles, selon Amnesty.

La zone d'Ingessana, au sud-ouest du chef-lieu provincial d'Ed-Damazin, a été particulièrement touchée, rapporte Amnesty, dont des membres ont visité les zones contrôlées par les rebelles et parlé à des réfugiés.

Environ 150 000 personnes ont fui vers le Soudan du Sud ou l'Éthiopie depuis le début des combats en septembre 2011.

«L'armée a eu recours à une stratégie de la terre brûlée, détruisant au moins huit villages dans la zone» d'Ingessana, écrit Amnesty.

Les forces soudanaises, faisant usage de la force sans discernement, «ont bombardé et pilonné des villages avant de les investir, et de tout brûler».

«Les civils ont fui lorsque les attaques ont débuté, mais certains qui n'ont pas pu le faire en raison d'un handicap ou de leur âge ont été brûlés vivants dans leurs maisons et tués par balles par des soldats,» détaille Amnesty.

Les attaques délibérées contre des civils sont considérées comme des crimes de guerre, rappelle le chercheur d'Amnesty pour le Soudan, Jean-Baptiste Gallopin.

Dans son rapport, Amnesty cite un habitant du village de Qabanit, Mugos Masim, 36 ans, selon qui l'armée a tiré à coups «d'énormes mitrailleuses Douchka, prenant chaque maison pour cible».

«De la montagne, j'ai vu tout le village brûler», raconte un dignitaire local, cheikh Faki Moul.

Le village voisin de Khor Jidad a subi une attaque similaire, selon le même rapport.

Il cite un habitant, Shaybou Osmane, 30 ans, qui raconte avoir trouvé les corps d'un homme âgé et de deux enfants, tués d'une balle dans le dos.

«La balle était ressortie par son estomac et ses intestins pendaient,» se souvient M. Osmane.

Le porte-parole de l'armée soudanaise, Sawarmi Khaled Saad, interrogé par l'AFP, a rétorqué que les accusations d'Amnesty étaient inconsistantes.

«Il y a beaucoup d'ONG travaillant au Nil bleu, et aucune d'entre elles ne s'est plainte de tels faits», a-t-il déclaré. «Ceci est monté de toutes pièces».

Il a affirmé que les rebelles ne contrôlaient que moins de 10% du Nil bleu.

Le Soudan limite fermement l'accès au Nil bleu pour les humanitaires, les journalistes et les diplomates.

Des restrictions similaires sont en vigueur pour le Kordofan-Sud, où le Mouvement populaire de libération du Soudan - branche nord (SPLM-N) est également actif.

Amnesty a par ailleurs souligné que les réfugiés parvenant à se mettre à l'abri dans des camps au Soudan du Sud risquaient d'être «enrôlés de force» dans les rangs du SPLM-N, qui a combattu avec les anciens rebelles sudistes du SPLM, dirigeant le Soudan du Sud depuis sa sécession mi-2011.

L'armée et le SPLM-N s'affrontent depuis juin 2011 au Kordofan-Sud et septembre 2011 au Nil bleu, deux régions frontalières avec le Soudan du Sud où Khartoum cherche à affirmer son autorité.