Douze personnes ont été tuées et 89 blessées depuis jeudi dans des violences à Conakry en partie liées à la contestation par l'opposition de la tenue d'élections législatives le 30 juin, selon un bilan officiel publié lundi par le gouvernement guinéen, qui a annoncé l'ouverture d'une enquête.

«Selon de sources hospitalières et sécuritaires», il y a «12 morts confirmés dont 7 par balles (origine des balles encore inconnues), 26 hospitalisations, 63 autres blessés par jets de pierre et armes blanches, des destructions de biens publics et privés», a précisé le porte-parole du gouvernement, Damatang Albert Camara, dans un communiqué.

Selon un décompte établi par lundi par l'AFP à partir de sources médicales et de proches des familles, 17 personnes ont été tuées dans ces violences qui se sont déroulées dans des banlieues considérées comme des fiefs de l'opposition tels que Cosa et Bambéto.

Ces violences «quasi quotidiennes» depuis jeudi «ont outrancièrement dépassé le cadre de revendications politiques», estime le gouvernement, qui a annoncé l'ouverture d'une «enquête spécifique» destinée à «faire toute la lumière sur ces événements, sans passion, sans pression et sans parti pris, tout en prenant toutes les mesures utiles pour accélérer l'instruction des dossiers».

Les «modalités» de cette enquête «seront détaillées dans les prochains jours par le ministre de la Justice», a précisé le porte-parole du gouvernement.

«Le président (Alpha Condé) a été clair, il refuse toute impunité et veut que les responsabilités soient établies», a affirmé lundi à l'AFP son conseiller spécial Rachid N'Diaye, en visite à Paris, précisant que «la gendarmerie a déjà ouvert une enquête interne».

«Les forces de l'ordre ne sont pas autorisées à user d'armes à feu pour contenir des manifestations», a-t-il rappelé.

Toutefois, selon M. N'Diaye, «l'opposition dit que le pouvoir utilise la violence contre elle mais le service de l'ordre de l'opposition est lui même débordé. La vérité est que, du côté des manifestants aussi, on tire», a-t-il affirmé.

Le porte-parole du gouvernement guinéen a par ailleurs dénoncé «l'exploitation par les partis politiques des différences régionales et ethniques au détriment de la cohésion nationale, et les velléités de mise en place de milices d'autodéfense» dans les quartiers où ont lieu les violences.

En Guinée, les divergences politiques recoupent le plus souvent les divisions ethniques, les Peuls étant majoritairement dans l'opposition.

«Le gouvernement rappelle au peuple guinéen et aux acteurs de la vie politique nationale en particulier, que la violence comme moyen de conquête du pouvoir est humainement intolérable, culturellement inadmissible et contraire à la Constitution», a ajouté son porte-parole.

Le gouvernement réaffirme «solennellement et fermement, qu'aucun acte de violence, aucune violation des lois, quels que soient les auteurs, les motifs et les prétextes, ne sera toléré».

Jeudi, des milliers de personnes avaient manifesté à Conakry à l'appel de l'opposition qui a organisé ces derniers mois plusieurs marches pour réclamer des élections législatives «libres et transparentes», manifestations ayant le plus souvent dégénéré en violences meurtrières.

Les opposants contestent la date du 30 juin pour le scrutin, fixée selon eux sans concertation par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Les législatives sont attendues depuis 2011 en Guinée. Faute de consensus avec l'opposition sur l'organisation d'un scrutin «libre et transparent», elles ont été maintes fois repoussées.

«Le président souhaite que tout le monde participe aux élections mais ce n'est pas lui qui fixe les dates, ni le gouvernement, mais la CENI qui est indépendante», a affirmé Rachid N'Diaye.