« Nous n'avons rien pris en partant, même pas un seul drap. (...) Nous n'avons plus rien », raconte Aoudou, assis sur une natte de paille posée à même le sol. Ce Nigérian a fui son pays la semaine dernière avec sa femme et ses quinze enfants, pour rejoindre le village camerounais de Maïnari (extrême nord), frontalier du Nigeria.

Comme lui, plusieurs milliers de Nigérians ont pris la route vers le Cameroun par crainte des violences, depuis le début le 15 mai dernier de l'offensive menée par l'armée nigériane contre les insurgés islamistes de Boko Haram dans le nord-est du pays.

« Les gars de Boko Haram et les militaires se sont affrontés dans le village de Baga (au Nigeria), à environ 50 kilomètres de là où nous vivions. Il y a eu beaucoup de morts. Nous avons fui à pied au Cameroun parce que nous avions peur d'être tués », poursuit Aoudou, 45 ans.

« Certains parmi nous sont repartis au village pour tenter de sauver leurs biens. Ils disent qu'ils vont revenir (au Cameroun) parce que la situation au pays est critique », rapporte-t-il.

D'après les réfugiés, « plus de 3000 » Nigérians originaires du même village sont ainsi arrivés le 16 mai à Maïnari, situé à quelques kilomètres seulement.

Des milliers d'autres, en provenance d'autres localités nigérianes, ont « envahi » le village camerounais de Sagmé, proche de Maïnari, selon un gendarme camerounais.

Beaucoup sont venus en famille, et devant les cases en terre de Maïnari, certaines femmes serrent dans leurs bras de très jeunes enfants et même des nourrissons.

« Là, c'est ma femme. Ici c'est ma maman, là un de mes garçons, plus loin la femme d'un autre de mes garçons, là, la deuxième femme du même garçon, à côté c'est aussi une belle-fille (...) », énumère longuement Mustapha Abacha, 55 ans.

Au Nigeria, « j'avais de quoi nourrir ma famille. Ici c'est très compliqué, mais nous restons là parce que nous recherchons la paix », affirme ce cultivateur qui dit être arrivé avec 36 parents proches.

Alima, une autre réfugiée, fait frire des beignets près de la natte où s'est installée la famille de Mustapha. « J'ai commencé ce commerce aujourd'hui (mardi). Je ne sais pas si les gens vont acheter », se demande cette femme de 48 ans.

À Maïnari, la plupart des réfugiés nigérians dorment à la belle étoile, serrés sur des nattes. Quelques-uns seulement sont hébergés dans des familles d'accueil ou ont trouvé refuge dans des maisons abandonnées.

Les ONG ne sont pas présentes sur place, et aucune aide humanitaire n'a pour l'instant été acheminée.

« Tout mon monde dort à l'extérieur sur des nattes. Dans la nuit, il y a des moustiques. J'ai surtout peur pour les enfants », se plaint Mustapha Abacha.

« C'est dur. Nous survivons grâce à la générosité des gens du village qui nous donnent à manger. Des fois, il n'y a pas assez à manger », renchérit Aoudou.

Malgré ces conditions de vie difficiles, aucun d'entre eux ne semble vouloir retourner au Nigeria. « Il y a la souffrance là-bas. Tout le temps, il y a des coups de feu, ça fait peur », ajoute Aoudou.

« Depuis que nous sommes ici, nous sommes dans la paix. Nous supplions le gouvernement camerounais de nous aider à nourrir nos enfants et à nous trouver des endroits où nous pouvons vivre », plaide-t-il.

Près de la case du Blama, le chef du village, une vingtaine de personnes se partagent deux nattes de paille, l'une posée dans un hangar, l'autre sous un arbre. Certains gardent en permanence un petit poste de radio collé à l'oreille pour suivre les évènements qui se déroulent chez eux, de l'autre côté de la frontière.

L'un d'eux, Moudou Abacha, s'érige en porte-parole du groupe. « Nous voulons obtenir la nationalité camerounaise. Nous ne voulons plus de la nationalité nigériane. Tous ici présent veulent cette nationalité », affirme-t-il, devant l'assistance qui acquiesce de la tête.

La plupart des réfugiés de Maïnari ne veulent pas parler de la guerre que leur gouvernement mène contre Boko Haram. Pour tout commentaire, ils répètent qu'ils veulent simplement vivre « normalement ».