Un seigneur de guerre somalien et ancien ministre de la Défense, Barre Hirale, s'est déclaré jeudi «président» de la région troublée du «Jubaland», dans le sud de la Somalie, quelques heures après qu'un autre seigneur de guerre eut fait de même.

«J'ai été nommé président du Jubaland par les anciens. J'appelle le peuple à me soutenir pour ramener la paix», a déclaré à des journalistes Barre Hirale, ancien commandant d'une puissante milice du clan local Marehan.

Mercredi, un ancien seigneur de guerre islamiste d'un clan rival, Ahmed Madobe, avait déjà été élu «président» du Jubaland par une assemblée de 500 sages et dirigeants locaux, après des semaines de négociations tendues entre groupes rivaux.

Aucune de ces deux «élections» n'a été reconnue par le gouvernement somalien. La région du Jubaland n'existe pas administrativement et n'est pas non plus reconnue par le gouvernement central, installé à Mogadiscio, mais dont l'influence reste limitée sur l'ensemble du pays.

«Nous sommes très inquiets des derniers évènements à Kismayo (...), cela pourrait mener à des affrontements qui profiteront aux militants d'al-Qaïda», a commenté à la presse à Mogadiscio le ministre somalien de l'Intérieur, Abdikarin Hussein Guled.

«Cette nouvelle situation à Kismayo est malheureuse, cela pourrait avoir un impact sur la stabilité de la région», s'est-il alarmé.

Ces proclamations rivales renforcent le risque d'affrontement entre factions, alors que les tensions sont déjà fortes à Kismayo, principale ville du sud somalien, autrefois bastion des islamistes shebab.

À Kismayo, les rues étaient calmes jeudi, mais des habitants ont témoigné que les milices des différents clans renforçaient leurs positions.

Mercredi soir, les partisans de Ahmed Madobe, un ancien islamiste et gouverneur de la région sous les Tribunaux islamiques en 2006, ont fêté son élection en tirant en l'air à l'arme lourde, selon des habitants.

La puissante milice de Ahmed Madobe, Ras Kamboni, contrôle en grande partie Kismayo, où sont basées les troupes kényanes intégrées au de la Force de l'Union africaine en Somalie (Amisom).

Alliée à la milice d'Ahmed Madobe, l'armée kényane avait repris la ville aux shebab en octobre 2012.

Les revenus générés par le port de Kismayo suscitent toujours d'intenses convoitises. Le sud de la Somalie, et Kismayo en particulier, est traditionnellement le théâtre d'une intense rivalité entre trois grands clans somaliens, avec un jeu d'influence de l'Éthiopie et du Kenya voisins: Ogadeni, Marehan et Majerteen.

La création d'une région semi-autonome du «Jubaland» est défendue par les clans et chefs de guerre locaux, sur le modèle du Somaliland (nord-ouest) indépendant de fait et du Puntland (nord) autonome.

Barre Hirale, qui est soutenu par l'Éthiopie depuis plusieurs années contre les shebab, a dénié la légitimité de l'élection de son rival Madobe.

«L'assemblée qui m'a nommé était organisée par le peuple et appartient au peuple. Alors que l'autre assemblée (qui a élu Ahmed Madobe, ndlr) était organisée et soutenue par le Kenya», a-t-il affirmé, appelant le peuple à «déposer les armes et à aider à reconstruire la région».

«Si des violences éclatent à Kismayo, ce sera le gouvernement qui portera la responsabilité du bain de sang, car il créé l'instabilité entre des clans frères», a mis en garde jeudi Ahmed Madobe.

«Il y a eu des tirs tard dans la nuit. La situation est calme maintenant, mais il y a de la tension dans la ville, on a peur d'un affrontement entre milices», a déclaré à l'AFP un habitant, Hassan Mohamud.

«Nous avons deux présidents (du Jubaland), dont l'un est soutenu par l'armée kényane (...). La ville est calme, mais les gens sont inquiets», a confié un autre habitant Ahmed Ali.

«Les milices des deux clans ont renforcé leurs positions respectives dans» Kismayo, a-t-il expliqué à l'AFP par téléphone.