«Ici, il n'y a pas d'eau, pas de travail et pas d'avenir» lance amèrement Hamid, un habitant du bidonville de Sidi Moumen à Casablanca, devenu tristement célèbre il y a dix ans lorsque des jeunes issus de ce quartier ont mené des attentats suicides meurtriers.

Le 16 mai 2003, il y a tout juste dix ans, 12 kamikazes originaires de Sidi Moumen ont perpétré une série d'attentats à la bombe à Casablanca, tuant 33 personnes. Les cibles sont un grand hôtel, un restaurant italien, un centre de la communauté juive et son cimetière ainsi que le consulat de Belgique.

Le manque de perspectives pour les jeunes alors pointé du doigt est toujours d'actualité dans ce bidonville de 400.000 habitants situé au coeur de la plus grande ville du Maroc.

«Les changements que nous voulons, ce sont des projets créateurs d'emplois pour les jeunes d'ici, afin qu'ils ne prennent pas le mauvais chemin», poursuit Hamid, 42 ans, père de deux jumelles. Il partage une petite habitation de fortune avec huit membres de sa famille.

La zone des Rhamna, à l'intérieur du bidonville, est un ensemble de baraques délabrées en tôle ondulée, sillonné par des ruelles étroites dépourvues d'infrastructures. Plus loin, un petit troupeau de moutons et de vaches fouine dans un tas d'ordures.

«Dans chaque quartier, vous avez du bon et du mauvais. Cette zone a été totalement exclue de la carte, et les gens, livrés à eux-mêmes, ont été facilement piégés par les extrémistes», souligne pour sa part Boubker Mazoz, président d'un centre culturel à Sidi Moumen.

Selon lui, «l'intégration des jeunes à la société est une nécessité, et nous devons agir en ce sens».

En 2007, un autre attentat dans un cybercafé à Sidi Moumen, qui n'a pas fait de morts, a été également perpétré par un jeune kamikaze du bidonville.

D'autres attaques ont eu lieu depuis, mais les attentats de 2003 à Casablanca ont particulièrement marqué les esprits au Maroc, car ils ont fait voler en éclat l'image du royaume comme un pays stable, épargné par le terrorisme islamiste.

Présenté il y a un an au Festival de Cannes, Les Chevaux de Dieu, un film qui raconte l'itinéraire de deux des jeunes kamikazes de Sidi Moumen ayant basculé dans le terrorisme, a connu un grand succès au Maroc où il est toujours projeté à Rabat et à Casablanca.

«En 2003 et 2009, beaucoup d'associations ont été créées pour promouvoir le développement à Sidi Moumen, mais les résultats sont restés limités», regrette Hassan, 36 ans, militant associatif en chômage.

«Au début, on avait l'impression que les choses allaient dans la bonne direction (...). En 2011, (le roi) Mohammed VI a déclaré +je ne veux plus voir de gens habiter dans des bidonvilles+. Nous sommes en 2013 et les bidonvilles sont toujours en expansion. Les promesses de logement n'étaient que des paroles...», ajoute-t-il.

Le Maroc a mis en place un important projet de relogement pour les habitants de Sidi Moumen, dans le cadre d'un programme appelé «villes sans bidonvilles», mais les moyens financiers font cruellement défaut.

De plus, dix ans après les attentats, la stigmatisation de Sidi Moumen comme un «nid de terroristes» et les préjugés ont la dent dure.

Selon les autorités marocaines, qui disent avoir «démantelé» 123 cellules terroristes depuis 2003, la menace terroriste reste toujours présente.

En avril 2011, une attaque à la bombe, actionnée à distance contre un café de la place Jamâa El-Fna à Marrakech, haut lieu du tourisme marocain, avait fait 17 morts de différentes nationalités.

Pour l'analyste Mohamed Darif, expert des mouvements islamistes au Maroc, le rôle des bidonvilles comme terreau du terrorisme est parfois exagéré.

«C'est facile pour les cellules étrangères de recruter et manipuler les jeunes (ndlr, dans les quartiers pauvres) qui ont suivi un endoctrinement pour les pousser à commettre des attentats, mais il s'agit de cas isolés», a-t-il indiqué à l'AFP.