Au moins 64 personnes ont été blessées et 2 ont été tuées dans un attentat sans précédent perpétré dimanche contre une église d'Arusha, dans le nord de la Tanzanie, pays jusque-là paisible de l'Afrique de l'Est, mais où les tensions religieuses vont croissant depuis plusieurs mois.

«Deux personnes sont mortes», a déclaré lundi à l'AFP Magesa Mulongo, le gouverneur de la province d'Arusha, ajoutant que six personnes - deux Tanzaniens et quatre Saoudiens - avaient été arrêtées et étaient interrogées. Il n'a pas donné de détails sur les faits exacts leur étant reprochés.

Outre ces 2 morts, 64 personnes étaient toujours hospitalisées lundi, a indiqué le ministre tanzanien de l'Intérieur Emmanuel Nchimbi devant le Parlement à Dodoma, la capitale.

Le ministre a confirmé l'arrestation de six personnes, dont quatre étrangers, sans préciser pour sa part leur nationalité.

C'est le premier attentat de ce type contre une église en Tanzanie. «Il s'agit d'un acte de terrorisme perpétré par des ennemis du pays», a déclaré le chef de l'État tanzanien Jakaya Kikwete, dans un communiqué. Ses auteurs «doivent être traqués sans relâche où qu'ils soient, dans le pays ou à l'étranger, et traduits en justice», a-t-il poursuivi.

M. Kikwete a écourté une visite officielle au Koweït et était attendu lundi pour «réconforter les familles endeuillées et les victimes», a annoncé la présidence.

L'attentat a visé, durant la messe, l'église Saint-Joseph-Le-Travailleur d'Olasiti, un quartier d'Arusha, principale ville du nord de la Tanzanie.

«Les premiers éléments de l'enquête montrent que l'explosif a été jeté dans l'enceinte de l'église, mais nous ne connaissons pas encore sa nature», a expliqué M. Nchimbi.

L'engin a explosé sur le parvis, où de nombreux fidèles avaient pris place, la nef étant pleine à l'occasion de la première messe célébrée dans cette église, dont la construction était tout juste terminée. Le nonce apostolique en Tanzanie, l'archevêque Francisco Montecillo Padilla, était dans l'église mais n'a pas été blessé.

Ni les autorités ni la police n'ont fourni d'indication sur les mobiles envisagés de l'attentat.

Tensions religieuses croissantes

Les tensions religieuses vont néanmoins croissant depuis plusieurs mois dans ce pays, où cohabitaient jusqu'ici pacifiquement chrétiens et musulmans.

Le recensement officiel en Tanzanie ne recueille aucune donnée d'ordre religieux, ce qui rend difficile le chiffrage de la répartition des cultes dans la population. Les chrétiens sont estimés représenter la moitié des 43 millions d'habitants et les musulmans un tiers.

M. Nchimbi a averti que le gouvernement punirait ceux qui propagent «l'Évangile de la haine».

En octobre, le chef de Jumuiya ya wa Islamu - la Communauté de l'islam -, organisation non reconnue par les autorités, et plusieurs de ses partisans avaient été arrêtés et accusés d'avoir saccagé plusieurs églises à Dar es-Salaam, après une rumeur selon laquelle un enfant chrétien avait uriné sur le Coran d'un camarade musulman.

Les plus récentes tensions sont survenues en début d'année dans la région de Mwanza, à 500 km à l'ouest d'Arusha, autour d'un conflit entre chrétiens et musulmans sur l'abattage du bétail de boucherie, traditionnellement réservé aux musulmans.

Début avril, la police avait également été contrainte de disperser quelque 200 chrétiens qui tentaient d'incendier une mosquée dans l'extrême sud du pays, dans le cadre d'un conflit similaire.

Les faits les plus graves étaient jusqu'ici survenus à Zanzibar, archipel autonome tanzanien, quasi exclusivement musulman : un prêtre a été blessé par balle le jour de Noël et un autre assassiné par balle en février. Une église avait été incendiée 48 heures plus tard.

Des tracts, distribués en début d'année et attribués à une organisation musulmane locale dont les chefs sont sous les verrous pour incitation à la violence, appelaient les musulmans à attaquer les églises.

Le président Kikwete a à plusieurs reprises appelé les fidèles de toutes croyances au calme et avait dû démentir fin avril que le gouvernement favorise une religion plutôt qu'une autre.

«Nous devons pardonner. Notre position est celle du Christ : vaincre le Mal par le Bien, ne pas se venger», a déclaré lundi l'archevêque d'Arusha, Mgr Josaphat Lebulu, qui, accompagné du nonce apostolique, a rendu visite à des blessés hospitalisés.

Le Kenya voisin a été la cible de nombreux attentats récents, visant notamment des églises et attribués à des sympathisants des islamistes somaliens shebab, que l'armée kényane combat depuis octobre 2011 en Somalie.

La Tanzanie n'intervient pas en Somalie, mais des experts de l'ONU ont averti en juin 2012 dans un rapport de la présence sur son sol de groupes islamistes radicaux, dont le Ansaar Muslim Youth Center, présumé lié à Al-Qaïda et accusé de recruter en Tanzanie pour les shebab.