Plusieurs personnes ont été tuées et une quinzaine blessées au Tchad où le gouvernement a annoncé, jeudi, avoir déjoué une «action de déstabilisation» et fait arrêter les «principaux auteurs».

L'arrestation d'un opposant au régime d'Idriss Déby, le député Saleh Makki, a été évoquée par une source policière ainsi que par un dirigeant de l'opposition.

«Un groupuscule d'individus mal intentionnés a cherché à mener une action de déstabilisation contre les institutions de la République» mercredi, a indiqué le gouvernement dans un communiqué, affirmant que les membres du «groupuscule (...) conspiraient depuis plus de quatre mois pour remettre en cause la paix chèrement acquise».

Selon une source policière qui a requis l'anonymat jeudi, une fusillade a éclaté entre les présumés conspirateurs et les forces de l'ordre venues les arrêter, mercredi, près d'une église du quartier d'Atrone, dans la banlieue (est) de N'Djamena, faisant «plusieurs morts et une quinzaine de blessés».

Aucun bilan officiel n'était cependant disponible dans l'immédiat. Certaines sources policières ont parlé de «six» morts, d'autres de «huit, dont trois membres des forces de sécurité».

«Les forces de défense (...) ont fini par les neutraliser et les mettre totalement hors d'état de nuire», a assuré le gouvernement, selon lequel «les principaux auteurs arrêtés ont été confiés au procureur de la République».

Aucune précision supplémentaire n'a été donnée sur l'origine ou le nombre des personnes arrêtées.

Toutefois, «plusieurs arrestations de civils et de militaires parmi lesquels on compte Saleh Makki», un député d'opposition, avaient eu lieu mercredi, selon une source policière.

«Depuis deux heures de temps (sic), on signale une situation trouble faite de nombreuses arrestations à N'Djamena, dont celle du député Saleh Makki (...) confirmée par plusieurs sources», a également affirmé à l'AFP mercredi soir par courriel le député et chef de file de l'opposition Saleh Kebzabo.

Lundi, de nombreuses rumeurs sur l'état de santé du président tchadien Idriss Déby (né en 1952) avaient couru sur l'internet, certains sites allant même jusqu'à évoquer sa mort.

Arrivé au pouvoir par la force en 1990, le chef de l'État a pour habitude de changer régulièrement les personnalités responsables de la sécurité du territoire, craignant de se voir renverser à son tour.

Depuis la nomination d'un nouveau gouvernement en janvier, deux remaniements ont eu lieu. À la faveur du dernier, le 25 avril, le ministre de l'Intérieur avait été remplacé.

Des «mercenaires» évoqués par le président

La France, ancienne puissance coloniale au Tchad, a aussitôt pris «note avec préoccupation des dernières informations en provenance de N'Djamena». Paris a appelé «les autorités tchadiennes et l'opposition à poursuivre un dialogue politique serein et constructif».

Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Philippe Lalliot, a par ailleurs rappelé que «le Tchad est un partenaire important de la France en Afrique». «Ce pays participe activement à la lutte contre le terrorisme au Mali et joue un rôle stabilisateur dans la région, en s'impliquant dans la lutte contre l'insécurité au Sahel et dans le règlement des crises, notamment en République centrafricaine», a-t-il dit.

Au Tchad, les rebelles de l'Union des forces de la résistance (UFR), qui avaient déposé les armes en 2009, avaient annoncé à la fin mars vouloir reprendre les hostilités contre le pouvoir. Voulant sans doute profiter d'un affaiblissement présumé de la sécurité intérieure, ils avaient fait cette annonce après l'engagement au Mali de 2000 soldats tchadiens. Mais ces propos avaient été jugés peu crédibles par de nombreux observateurs.

Sur Radio France international samedi, le président Déby avait déclaré que «beaucoup de mercenaires se promenaient à Benghazi» (est de la Libye), en affirmant qu'il y avait dans cette région un camp où étaient «en train de se regrouper des Tchadiens». «Je connais ceux qui pilotent ces mercenaires», avait insisté M. Déby.

Depuis qu'il a renversé l'ancien président Hissène Habré il y a 22 ans, M. Déby dirige le pays d'une main de fer.

Il a dû faire face, notamment en 2008 et 2009, à de nombreuses rébellions aujourd'hui inactives ou presque, depuis la normalisation des relations avec le Soudan voisin.

S'il avait signé en 2007 un accord devant mener à la démocratisation du régime, l'opposition a dénoncé les élections présidentielle et législatives de 2011, en les qualifiant de «mascarade».

Malgré l'exploitation récente de pétrole et un fort taux de croissance, le Tchad reste toutefois un pays très pauvre, classé à la 184e place sur 186 à l'indice de développement humain.