Uhuru Kenyatta a été investi mardi à Nairobi quatrième président du Kenya, près de 50 ans après son père et en dépit de son inculpation par la justice internationale, son homologue ougandais Yoweri Museveni félicitant à cet égard le Kenya pour avoir «rejeté le chantage» de la cour pénale internationale.

La cérémonie d'investiture s'est déroulée en grande pompe en présence de plusieurs chefs d'État africains, mais en l'absence de dirigeants de pays occidentaux, embarrassés par l'inculpation de M. Kenyatta pour crimes contre l'humanité, pour sa participation présumée aux violences ayant suivi le précédent scrutin présidentiel de fin 2007 au Kenya.

«Moi, Uhuru Kenyatta, conscient du poids des responsabilités qui m'incombent en tant que président de la République du Kenya, je jure fidélité et allégeance à la République du Kenya», a déclaré M. Kenyatta à la mi-journée sous les acclamations de quelque 60 000 de ses partisans ayant pris place dans le stade de Kasarani, à une quinzaine de kilomètres de Nairobi.

Portée par son épouse Margaret, la bible sur laquelle il a posé la main était la même que celle sur laquelle son père, Jomo Kenyatta, avait prêté serment en 1964 en tant que premier président du Kenya. Jomo Kenyatta avait conduit son pays à l'indépendance l'année précédente, s'affranchissant de la domination britannique .

Le nouveau président a également promis «de protéger et de faire respecter la souveraineté, l'intégrité et la dignité du peuple kényan», lors d'une cérémonie sous haute sécurité.

À 51 ans, Uhuru Kenyatta devient le plus jeune chef de l'État kényan et le premier inculpé par la CPI à être élu chef d'État.

Lui aussi inculpé par la CPI, son colistier William Ruto, chef de file de la communauté kalenjin essentiellement présente dans la Vallée du Rift, a ensuite prêté serment.

Hôte d'honneur de la cérémonie, le chef d'État ougandais Museveni a évoqué ces inculpations en estimant que des entités et personnalités qu'il n'a pas nommées avaient «détourné» la CPI de sa mission originelle.

«Ils utilisent maintenant (la CPI) pour mettre en place les dirigeants de leur choix en Afrique et éliminer ceux qu'ils n'aiment pas», a estimé Museveni sous les applaudissements de la foule.

Les prestations de serment des nouveaux dirigeants kényans ont été régulièrement interrompues par les vivats de la foule.

Kenyatta a reçu des mains du président sortant Mwai Kibaki, les attributs du pouvoir, la Constitution et le sabre de commandant en chef des forces kényanes. Kibaki, 81 ans, quitte la vie politique kényane dont il était une figure centrale depuis l'indépendance du pays en 1963, année où il fut élu pour la première fois député.

«Sio nusu, ni mzima» («pas la moitié, mais la totalité» en swahili), scandait notamment la foule, se moquant de Raila Odinga, adversaire malheureux de Kenyatta, qui avait décrit ses pouvoirs en tant que premier ministre de Kibaki entre 2008 et 2013 comme une «moitié de pain».

Odinga avait pris début 2008 la tête d'un gouvernement de coalition aux termes d'un accord de partage de pouvoir passé avec Kibaki pour mettre fin aux terribles violences déclenchées par la victoire contestée du second face au premier lors de la présidentielle de fin 2007.

Parmi les 15 chefs d'État et de gouvernement présents figuraient notamment les présidents sud-africain Jacob Zuma, zimbabwéen Robert Mugabe, rwandais Paul Kagame, congolais Joseph Kabila, sud-soudanais Salva Kiir, tanzanien Jakaya Kikwete, nigérian Jonathan Goodluck et gabonais Ali Bongo Ondimba.

Alger, Rabat et Le Caire ont eux envoyé leur premier ministre. Les pays de l'Union européenne et les États-Unis étaient représentés au niveau de leurs ambassadeurs et ont déjà prévenu qu'ils limiteraient aux «contacts essentiels» leurs relations avec les deux nouvelles têtes de l'exécutif kényan, en raison de leur inculpation.

Les deux plus hauts dirigeants kényans sont accusés de crimes contre l'humanité pour leur rôle dans les violences postélectorales de fin 2007 - début 2008, les pires de l'histoire du pays, qui avaient fait plus d'un millier de morts.

Ils ont promis de coopérer avec la Cour et donc d'assister à La Haye à leurs procès respectifs, prévus pour s'ouvrir début juillet et fin mai et durer au moins deux ans, faute de quoi un mandat d'arrêt international pourrait être lancé contre eux.

Des milliers de partisans de Kenyatta et Ruto, vêtus de rouge, couleur de la coalition de leurs champions, avaient été amenés dès l'aube en bus au stade, notamment depuis leurs fiefs du centre du Kenya et de la Vallée du Rift.

«Nous sommes venus accueillir les fils du pays au Palais présidentiel», a expliqué à l'AFP Jairus Koech, instituteur de 35 ans, ajoutant être «arrivé à 4 h en bus d'Eldoret», environ 300 km au nord-ouest de Nairobi.

L'investiture du nouveau chef de l'État clôt un processus électoral qui s'est déroulé dans la crainte d'un renouvellement des précédentes violences qui ont durablement traumatisé le pays, mais qui n'a finalement débouché sur aucun incident grave.

Odinga, qui avait contesté la victoire de M. Kenyatta devant la Cour suprême, a reconnu sa défaite quand les juges ont rejeté son recours.