Le chef rebelle Bosco Ntaganda, soupçonné d'atrocités en RDCongo en 2002 et 2003, est arrivé vendredi soir au centre de détention de la CPI après avoir quitté le Rwanda en début d'après-midi, sa première comparution à La Haye ayant déjà été fixée à mardi.

«Bosco Ntaganda est arrivé au quartier pénitentiaire de la CPI», a sobrement indiqué la Cour pénale internationale sur son compte Twitter officiel. Peu de temps auparavant, l'accusé avait atterri à l'aéroport de Rotterdam, à environ 25 kilomètres du centre de détention, situé dans le quartier balnéaire de La Haye, Scheveningen.

La CPI avait plus tôt dans la journée d'ores et déjà annoncé que M. Ntaganda comparaîtra pour la première fois devant «une chambre préliminaire» mardi matin à 11H00 (heure locale).

Les juges vérifieront alors l'identité du suspect, l'informeront des crimes qui lui sont imputés et des droits que lui reconnaît le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI.

En début d'après-midi, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo avait annoncé que Bosco Ntaganda venait de «décoller de Kigali» et se trouvait «entre les mains de responsables de la CPI», ce qu'avaient confirmé les autorités américaines et la CPI.

Bosco Ntaganda se trouvait, officiellement, à l'ambassade américaine de Kigali depuis lundi, où, selon Washington, il s'était présenté «de lui-même» pour demander à être remis à la CPI.

Le secrétaire d'État américain John Kerry s'est d'ailleurs félicité vendredi du transfèrement du général Ntaganda, saluant une étape majeure pour la justice. «Il y a maintenant un espoir que justice soit faite», a-t-il déclaré dans un communiqué.

La fin d'un parcours sanguinaire

Surnommé «Terminator», Ntaganda est notamment accusé par la CPI de crimes contre l'humanité et crimes de guerre, dont viols, meurtres, pillages et enrôlements d'enfants-soldats, commis par les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), dont il était le chef d'état-major, entre septembre 2002 et septembre 2003 dans l'Ituri (nord-est de la RDC).

Des ONG l'accusent en outre de crimes similaires dans la province minière du Nord-Kivu (est de la RDC), où il était présumé diriger dernièrement la rébellion du M23, qui a explosé en deux factions rivales fin février.

Bosco Ntaganda avait passé la frontière entre la RDC et le Rwanda mi-mars, comme plusieurs centaines de ses hommes défaits dans des combats avec l'aile rivale. Il avait ensuite rejoint l'ambassade américaine à Kigali, quelque 150 km plus loin, dans des circonstances encore inconnues.

Le M23 est surtout composé d'ex-rebelles tutsi congolais, intégrés à l'armée de RDC après la signature d'un accord de paix avec Kinshasa en 2009. Bosco Ntaganda, lui-même alors nommé général, est soupçonné d'avoir orchestré une nouvelle rébellion de ces hommes en avril 2012. La mutinerie avait de nouveau embrasé le Nord-Kivu, chroniquement instable.

La reddition surprise de l'un des seigneurs de guerre les plus recherchés des Grands Lacs a surpris nombre de spécialistes et suscité de nombreuses questions.

Quelles peuvent être désormais les conséquences d'un procès à La Haye pour le Rwanda, alors que Kigali est accusé d'entretenir d'étroites relations avec le rebelle depuis de très longues années ?

Bosco Ntaganda a fait ses armes au sein du Front patriotique rwandais (FPR) du président Paul Kagame à l'époque où cette rébellion rwandaise mettait fin au génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994.

Dans les décennies qui ont suivi, il est soupçonné d'avoir été un important relais de Kigali dans l'est de la RDC et d'avoir bénéficié de larges soutiens militaires rwandais.

Devant la CPI, Ntaganda pourrait, disent des experts, faire d'embarrassantes révélations sur le rôle de Kigali dans l'est de la RDC.

Le Rwanda a participé à deux guerres dans la zone à la fin des années 90 et au début des années 2000. Mais, s'il est toujours accusé, notamment par des experts de l'ONU, d'y soutenir des groupes armés pour y maintenir ses intérêts (fonciers et miniers), il y nie depuis une décennie toute interférence.

Certains analystes estiment que la mise à l'écart de Ntaganda sera loin de suffire à ramener la paix, car les problèmes de fond, en particulier le jeu souterrain des pays voisins, demeurent.

D'autres, comme Human Rights Watch, estiment toutefois que le départ pour La Haye d'un chef rebelle de cette envergure, incarnation de l'impunité dans la région, envoie un signal important et est «une victoire pour les victimes des atrocités dans l'est du Congo et pour les militants locaux qui ont travaillé dans des conditions périlleuses à son arrestation».