L'heure des comptes a sonné au Malawi un an après la transition entraînée par le décès du président Bingu wa Mutharika dont plusieurs anciens ministres ont été arrêtés lundi, accusés d'avoir comploté pour évincer l'encombrante Joyce Banda, vice-présidente en titre, mais passée à l'opposition.

Divine surprise pour ses opposants, de plus en plus nombreux et prêts à risquer leur vie pour manifester, la disparition soudaine de M. Mutharika le 5 avril 2012, victime d'un infarctus, avait pris son équipe de court, et pas moins de huit ministres sont aujourd'hui accusés d'avoir sollicité l'armée pour s'accrocher au pouvoir.

«Un total de onze personnes, des ministres et des hauts fonctionnaires, ont été arrêtées à la suite du rapport d'enquête sur la mort de M. Mutharika», a indiqué le ministre de l'Information Moses Kunkuyu à l'AFP.

Parmi les huit anciens ministres arrêtés, figurent Peter Mutharika, le frère de l'ancien président qui était son dauphin désigné, ainsi que Goodall Gondwe, ancien ministre des Finances puis de l'Énergie, que l'actuelle présidente Joyce Banda avait conservé dans son équipe au portefeuille de la Planification économique dans le souci de ne pas envenimer la situation et d'assurer une alternance en douceur.

Tous sont soupçonnés d'avoir voulu empêcher Mme Banda d'accéder à la fonction suprême comme prévu dans la Constitution de ce pays rural d'Afrique australe qui peine à sortir ses 14 millions d'habitants de la pauvreté, et reste très dépendant des donateurs étrangers.

Ils sont susceptibles d'être poursuivis pour trahison, un crime passible de la peine de mort au Malawi même si plusieurs affaires n'ont jamais été menées à terme, selon une source policière.

M. Kunkuyu a souligné que les arrestations de lundi n'avaient «rien de politique»: «Nous ne faisons que suivre les conclusions du rapport d'enquête.»

Elles ont cependant provoqué la colère de 500 manifestants environ à Blantyre devant le quartier général de la police, qui a utilisé des gaz lacrymogènes pour les disperser.

Très populaire durant son premier mandat (2004-2009), notamment pour sa politique agricole, M. Mutharika avait vu ses dernières années de présidence assombries par de nombreuses marches anti-gouvernementales et le bain de sang de juillet 2011, quand la police a tiré sur des manifestants faisant 19 morts.

Critiqué pour cette dérive autoritaire et rendu largement responsable de l'effondrement de l'économie du pays, M. Mutharika ne parvenait pas à enrayer les pénuries chroniques de carburant, devises étrangères, sucre, et autres biens de première nécessité.

Victime d'un infarctus, sa mort n'a pas été annoncée immédiatement et un groupe de ministres a notamment tenu une conférence de presse au soir du 6 avril pour dire qu'il était encore vivant, alors que selon le rapport de la commission d'enquête, il est établi qu'il est décédé dans l'ambulance qui le conduisait vers l'hôpital de Lilongwe après s'être effondré dans son palais de State House à 11 h 10 le 5 avril 2012.

Visiblement décidés à gagner du temps, plusieurs ministres ont enchaîné les réunions. Peter Mutharika, ministre des Affaires étrangères à l'époque, a suggéré que l'armée puisse prendre le pouvoir, et demandé au secrétaire en chef du gouvernement Bright Msaka «si ce ne serait pas une bonne idée», selon le rapport d'enquête.

L'ancien ministre des Finances Goodall Gondwe a pour sa part demandé au commandant de l'armée Henry Odillo de prendre les commandes du gouvernement au cas où le plan préparé ne serait pas soutenu par la population et entraînerait des violences, selon le rapport.

Pendant ce temps, le corps du défunt président était transporté en Afrique du Sud, plongeant le pays dans l'incertitude et en proie aux rumeurs.

Mme Banda devait finalement être investie le 7 avril, quelques heures après l'annonce officielle de la mort du président, effectuée avec deux jours de retard, et non sans d'amicales pressions diplomatiques.