L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, soupçonné d'avoir fomenté un «plan» de meurtres et de viols pour s'accrocher au pouvoir, a comparu mardi devant la CPI, sous le coup de soupçons pour crimes contre l'humanité.

«Je vous souhaite à tous la bienvenue», a déclaré en français la juge présidant la chambre préliminaire, Silvia Fernandez de Gurmendi, en ouvrant cette audience de confirmation des charges.

À l'ouverture de l'audience, Laurent Gbagbo a salué les journalistes et ses partisans présents dans la galerie du public.

Vêtu d'un costume bleu foncé, d'une chemise et d'une cravate bleu clair, l'ancien président, assis derrière les avocats de la défense, à gauche de la salle d'audience, affichait une bonne mine.

Cette audience avait été reportée à deux reprises, notamment afin d'évaluer la santé de l'ancien président et sa capacité à assister aux audiences. L'horaire a été adapté, et les audiences se dérouleront de 14 h 30 (8 h 30 à Montréal) à 18 h 30 (12 h 30, heure de Montréal), entrecoupées par des pauses toutes les heures.

«J'espère que ces aménagements permettront à M. Gbagbo d'être présent au cours des audiences», a ajouté la juge.

Premier ex-chef d'État remis à la CPI, Laurent Gbagbo, 67 ans, est soupçonné d'être «co-auteur indirect» de quatre chefs de crimes contre l'humanité, à savoir meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains, commis pendant les violences postélectorales de 2010-2011.

Il avait refusé de reconnaître la victoire électorale le 28 novembre 2010 de son rival Alassane Ouattara, certifiée par l'ONU.

Ce refus de quitter son poste après 10 ans au pouvoir a plongé la Côte d'Ivoire dans une violente crise longue de quatre mois qui a coûté la vie à près de 3000 personnes.

Cette audience de confirmation des charges, qui devrait se conclure le 28 février par une déclaration de M. Gbagbo, doit permettre aux juges d'examiner si les éléments de preuves rassemblés par l'accusation sont suffisamment solides pour permettre, plus tard, la tenue d'un procès.

Entre 300 et 400 personnes ont manifesté peu avant l'ouverture de l'audience devant le bâtiment de la Cour à La Haye pour soutenir Laurent Gbagbo. Portant chapeaux orange, perruques et drapeaux aux couleurs ivoiriennes, ils ont chanté «Libérez le président Gbagbo» en présence de nombreux policiers néerlandais.

«On veut libérer le président Gbagbo, c'est le peuple qui l'a élu», criaient aussi les partisans de l'ancien président, qui scandaient également «Ouattara, imposteur!».

Selon l'accusation, les attaques commises par des forces pro-Gbagbo entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011 «revêtaient un caractère généralisé et systématique» et étaient dirigées «contre des communautés ethniques ou religieuses spécifiques».

«Des centaines d'adversaires civils ont été attaqués, pillés, blessés ou victimes de viols en conséquence de cette politique», affirme l'accusation dans son document de notification des charges.

«Les auteurs des crimes étaient armés de kalachnikov et de machettes», indique l'accusation. «Les victimes étaient exécutées ou brûlées vives, sous les yeux d'agents de police qui ne sont pas intervenus».

Après des débats sur l'admissibilité de l'affaire devant la Cour, le procureur Fatou Bensouda devait entamer sa déclaration liminaire à 18 h (midi à Montréal).

Dans les jours qui suivent, après la présentation des arguments et des éléments de preuves rassemblés par le procureur, la défense de M. Gbagbo et son avocat, Emmanuel Altit, pourront eux aussi présenter leurs éléments de preuves et leurs arguments.

Laurent Gbagbo a été arrêté le 11 avril 2011 avec son épouse Simone, également sous le coup d'un mandat d'arrêt de la CPI, après avoir tenu tête jusque dans son «bunker» au sous-sol de sa résidence d'Abidjan, sous le feu des forces armées françaises.

En Côte d'Ivoire, l'audience de mardi était attendue par les partisans du régime Ouattara comme par les fidèles de l'ancien président, d'autant qu'elle repose la cruciale question des rapports entre justice et réconciliation.

Le camp Gbagbo et des ONG internationales accusent Abidjan de pratiquer une «justice des vainqueurs»: de nombreux pro-Gbagbo sont en prison alors qu'aucune personnalité proche du régime actuel n'a été poursuivie après la crise par la justice ivoirienne (pas plus que par la CPI).

La CPI est le premier tribunal pénal international permanent chargé de juger les auteurs de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.