La France a bombardé le nord du Mali et des combats ont été engagés dans l'ouest du pays. Mais les islamistes contrôlent toujours les deux tiers du pays. La libération du Nord n'a pas commencé. Et les habitants craignent les représailles.

«On peut fumer la cigarette à Tombouctou. Les femmes n'ont plus à porter le voile intégral. Les islamistes se sont cachés», se réjouit Niamoye Alidji. Rencontrée hier à Bamako, cette enseignante est une personnalité incontournable de Tombouctou. Elle est à la fois présidente d'une association de femmes d'affaires et fondatrice d'une organisation non gouvernementale du domaine de l'éducation.

Tombouctou est l'une des villes du nord du Mali qui ont été la cible des bombardements français au cours des derniers jours. Depuis, on ne voit plus les islamistes dans les rues. Niamoye Alidji s'en réjouit, mais elle n'est pas rassurée pour autant.

«Ils ont fait mon neveu prisonnier, dit-elle. Ils l'accusent d'avoir volé du carburant. Ils devaient lui amputer les deux bras. Depuis les bombardements, Ansar Dine [un des groupes armés islamistes] a emmené tous les prisonniers. On n'a plus de nouvelles. Je crains pour sa vie.»

Il est en effet pratiquement impossible d'avoir des nouvelles du nord du pays, particulièrement de Gao. Les islamistes ont détruit les liens de communication. De nombreuses personnes, comme Niamoye, craignent qu'ils se vengent sur les populations locales.

Vagues de réfugiés

Niamoye Alidji est loin d'être la seule à avoir quitté le nord du pays. Les bombardements ciblés ont entraîné des mouvements de réfugiés. Déjà, on compte 150 000 réfugiés et 200 000 déplacés, et les chiffres gonflent rapidement.

«Nous avons fui. Nous avions peur que les MUJAO se vengent», explique Aida, interrogée à son arrivée à Bamako, hier matin, en provenance de Gao. Épuisée après deux jours de route, elle raconte son calvaire froidement. «J'ai été violée au printemps dernier. J'avais honte. Depuis, j'ai des problèmes d'incontinence.»

Aida a su qu'elle avait finalement quitté la zone contrôlée par ses bourreaux lorsqu'on a enlevé, dans l'autobus, le rideau séparant les hommes et les femmes. Mais tous ne peuvent quitter ce territoire aussi facilement. À Tombouctou, par exemple, on rapporte que les islamistes saisissent les voitures.

Situation humanitaire critique

La situation humanitaire de ceux qui restent coincés dans le nord du pays n'a cessé de se détériorer au cours des derniers mois. Hafizou Boncana Touré peut en témoigner. Coordonnateur de l'association Cri de coeur, il a fait partie, juste avant les bombardements, d'un convoi humanitaire dans cette zone.

«La situation humanitaire est chaotique. Le paludisme atteint des sommets et il n'y a plus de médicaments. Les enfants meurent pour rien. Avant les combats, la situation était déjà dramatique. Maintenant, on craint le pire», raconte-t-il.

Oumar Mariko passe quant à lui ses journées à écouter des histoires d'horreur du Nord. Président de l'Association malienne des droits de l'homme (AMDH), il veut se battre pour les victimes. «Nous répertorions tous les cas de viol. Nous préparons un dossier pour la Cour pénale internationale. Ces crimes devront être jugés, dit-il. La plaie ne pourra pas se cicatriser avec du pus à l'intérieur. Nous refusons l'impunité pour qui que ce soit.»

Ce défenseur des droits de la personne revient d'une longue mission dans les villes jumelles de Mopti et Sévaré, à la frontière du territoire contrôlé par les islamistes. Déjà, les rumeurs vont bon train sur de possibles exactions commises par l'armée malienne depuis le début de l'intervention française.

Règlements de comptes

Oumar Mariko affirme qu'il n'y a pas «d'exactions systématiques» commises par l'armée à Sévaré. Cela dit, son association suit de très près ce qui se passe à Konna, la ville reprise par les rebelles, et à Diabali, où l'armée française combat sur le terrain en plein coeur de la ville.

Même son de cloche du côté d'OXFAM. «On demande aux Forces armées de bien protéger l'espace humanitaire et de respecter les civils», dit Ilaria Allegrozzi.